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13 janvier 2021 3 13 /01 /janvier /2021 10:21

 

« L’histoire a voulu qu’ils partent le même jour », c’est l’hommage du ministère des Affaires Étrangères de Cuba à la mort de Maradona, ce mercredi 25 novembre 2020, quatre ans jour pour jour après celle de Castro. Hé oui ! Même si vous n’aimez pas le football, ce n’est pas une raison pour ne pas avoir de l’affection pour Maradona…

 

Avec notre spectacle Futsal et mains propres, nous nous sommes intéressés au football et aux liens qui pouvaient exister entre le foot et la politique… Maradona, à la fois Dieu du foot, socialiste, anti-impérialiste et anti-colonialiste convaincu, est un peu la synthèse de tout cela.

 

Exemple mythique : dans le documentaire d’Emir Kusturica, « Maradona par Kusturica », il raconte cette force qui porte les joueurs de son équipe lors de ce fameux match Argentine-Angleterre du 22 juin 1986. Quatre ans après la Guerre des Malouine où le peuple argentin a été pris entre la dictature et une puissance coloniale, ils avaient une terrible envie de rendre hommage aux morts et de donner un peu de réconfort à leur famille : « Nous les joueurs, on représentait nos morts. Notre objectif à nous c’était d’entrer sur le terrain et de jouer au ballon tout en ayant conscience que si on sortait l’Angleterre, on gagnait la guerre du football. Voilà où on a puisé notre énergie. » Alors contre toute attente, il marque deux buts extraordinaires, mythiques, et élimine l’Angleterre en quart de finale de la Coupe du Monde.

 

Ces convictions, il les a mises en pratique dans le milieu du football où il a lutté sans relâche contre la corruption au sein de la Fédération Internationale (FIFA) qu’il comparait à une mafia. Il s’est battu pour syndiquer les autres joueurs et, à la fin des années 90, avec d’autres stars, il crée l’Association Internationale des Joueurs de Football Professionnels pour défendre leurs droits.

 

En tant que socialiste et anti-impérialiste, paré des tatouages du Che et de Castro, Maradona a été un partisan engagé de la révolution bolivarienne du Venezuela, de celle de Cuba et des mouvements sociaux progressistes à travers l’Amérique Latine, ne perdant jamais l’espoir que les pauvres et les opprimés s’émancipent. Il était un ami proche et un partisan d’Hugo Chavez, d’Evo Morales et de Fidel Castro, ainsi que d’autres dirigeants socialistes. Il a dit un jour : « Je crois en Hugo Chávez. Je suis chaviste. Tout ce que lui et Fidel font, de mon point de vue, c’est ce qu’il y a de mieux ».

 

«Il faut que les gens sachent que nous disons la vérité, que nous voulons l’égalité et que nous ne voulons pas que le drapeau yankee flotte sur nous. » Il a aussi défié ouvertement l’impérialisme et le colonialisme, notamment en 2005 en participant, aux côtés de 150 personnalités dont Hugo Chavez et le futur président bolivien Evo Morales, au contre-sommet de Mar del Plata où il a appelé la foule à « virer » Bush d’Argentine.

 

Fervent défenseur de la cause palestinienne, il a déclaré « dans mon cœur je suis palestinien » et « je suis un défenseur du peuple palestinien, je le respecte et je sympathise avec lui, je soutiens la Palestine sans crainte ».

 

Vénéré comme un dieu en Argentine et en Italie, il n’a jamais oublié d’où il venait.

Alors, comme disent les anti-impérialistes d’Amérique : « Rest in power ».

 

Compagnie Jolie Môme

 

Sources : Redfish, Lapresse.ca et l’Huma

 

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7 janvier 2021 4 07 /01 /janvier /2021 08:15

Dès son élection en 2017, Macron annonçait clairement dans son discours au Congrès qu'il était déterminé à incarner le rôle d'un président qui va user de tous les pouvoirs que lui confère la Constitution (1). Précisons que celle-ci, qui porte encore dans ses entrailles les stigmates de l'Ancien régime, attribue au président de la République des pouvoirs très étendus (2). Et si de surcroît le président dispose d'une majorité à l'Assemblée nationale, ses pouvoirs deviennent tout simplement exorbitants. Sur le plan pratique et politique, le président de la République possède quasiment tous les pouvoirs. Il concentre ainsi entre ses mains non seulement le pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, mais aussi l'appareil répressif de l’État (armée, police, tribunaux, prison etc.). Sur le plan idéologique, malgré leur apparente autonomie, il détient également les grands médias, les instituts de sondage, le système scolaire etc. Car il est le représentant d'une classe sociale, la bourgeoisie, dont le président n'est en réalité qu'un servile serviteur. Sa mission fondamentale est d'assurer l'ordre de cette classe et faire prospérer ses affaires économiques « quoi qu'il en coûte».

 

Pour servir ses maîtres, Macron va user et abuser de tous ces pouvoirs. Immédiatement après son intronisation, il lance des attaques rapides, brutales et historiques contre tous les progrès sociaux et politiques arrachés de haute lutte par des générations successives. Il faut dire aussi que ces progrès étaient déjà bien malmenés par les gouvernements précédents. Mais pour Macron et les siens, il faut aller au bout de ce qui reste encore des services publics, de la protection sociale, des minima sociaux, du droit du travail, de la sécurité de l'emploi etc.

Sur le plan des libertés individuelles et collectives, Macron installe, à travers la législation et la technologie la plus sophistiquée, la surveillance et le contrôle généralisés de la population par la police. Jamais celle-ci n'a été aussi bien dotée en moyens technologiques modernes que sous Macron : reconnaissance faciale, vocale et d’odeur, algorithmes prédictifs, drones, vidéosurveillance, caméras-piétons, "Mobil'IT", analyse automatisée des réseaux sociaux etc (3).

La rationalité technologique au service de la répression ! En s'appropriant la technologie, le régime de Macron s'organise pour dominer toujours plus efficacement.

Le 2 décembre 2020, trois décrets renforçant le Code de la sécurité intérieure sur le traitement des données ont été publiés. Ils étendent considérablement les possibilités de fichage des opposants politiques et de leurs proches (4). La répression et la domination envahissent ainsi toutes les sphères de l'existence privée et publique.

Et lorsque les conflits sociaux éclatent et s'aiguisent, Macron n'hésite pas à recourir à l'appareil répressif de l’État. Et plus la contestation est profonde et menace l'ordre établi, plus la violence devient intense et brutale. Le Mouvement des Gilets jaunes est un exemple éloquent à cet égard. Il faut terroriser les contestataires par des châtiments corporels d'un autre âge : mains arrachées, yeux crevés, visages défigurés, crânes fracassés etc (5). L'ordre bourgeois doit régner !

 

Mais cela ne suffit pas. Il faut en plus de cette répression sauvage et de ce processus destructeur du progrès social et des libertés fondamentales toujours en cours, enrichir encore et encore cette classe qui a porté brutalement Macron au pouvoir. Un véritable hold-up va être organisé sur la richesse de la nation. L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est supprimé et remplacé par un simple impôt sur la fortune immobilière (IFI). Celui-ci, contrairement à l'ISF, ne prend pas en compte les  placements financiers, l'épargne et les autres valeurs mobilières (6).

Un autre cadeau de Macron aux plus riches est l'instauration de la « Flat Tax », impôt forfaitaire de 30% sur les revenus du capital : «Les 1% les plus aisés concentreront 44% du gain permis par la mise en place d'une flat tax sur les placements financiers, selon les estimations du gouvernement transmises au rapporteur de la Commission des finances du Sénat. À cela, il faut ajouter les 3,6 milliards d'euros d'économie que cette frange de la population réalisera grâce à la fin de l'ISF» (7).

L'impôt sur les bénéfices des entreprises va passer de 33 % à seulement 25 % en 2022.

La proposition de loi relative à la sécurité globale prévoit dans son titre II le renforcement du rôle du «secteur de la sécurité privée» ouvrant ainsi la voie à la privatisation et à la marchandisation de la police (8). C'est un énorme cadeau offert par Macron aux patrons des entreprises de sécurité privées.

 

D'autres décisions encore plus violentes pour les plus démunis viendront allonger cette liste de mesures en faveur des puissants. On ne peut rien donner aux uns sans prendre aux autres. La misère sociale et ses terribles conséquences sur les masses des travailleurs ne feront que croître. Que faire ?

 

Dans la France d'aujourd'hui, la prise de pouvoir par la révolution est écartée. Les grands partis de gauche et les syndicats préfèrent se plier aux règles du jeu parlementaire. Ils témoignent de l'ampleur de l'intégration capitaliste. Ils sont réduits à gérer conjointement avec le pouvoir un capitalisme qui les a totalement domestiqués alors même que la situation des masses des travailleurs ne cesse de se dégrader. Le Mouvement des Gilets jaunes est aussi, dans une certaine mesure, une révolte contre cette attitude des directions des partis et des syndicats. Dès le début de cette immense colère populaire, ces directions lui ont honteusement tourné le dos. Mais le Mouvement malgré sa grandeur n'a jamais réussi réellement à se structurer, même s'il a senti la nécessité de s'organiser (Assemblée des assemblées), pour pouvoir mener une véritable lutte politique. L'exemple des Gilets jaunes comme d'ailleurs celui de mai 1968, entre autres, montrent bien que sans une direction vraiment révolutionnaire déterminée à assumer une lutte de classe contre classe, aucun changement radical capable de renverser toutes les conditions sociales n'est possible. Les réformes économiques, sociales et politiques, aussi nécessaires soient-elles, ne font en dernière analyse que perpétuer l'asservissement général engendré par le système.

 

Mohamed Belaali

 

 

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(1)https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/07/03/discours-du-president-de-la-republique-devant-le-parlement-reuni-en-congres

(2)https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur#titre3

(3)https://www.laquadrature.net/2020/11/19/la-technopolice-moteur-de-la-securite-globale

(4) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042607323

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042607387

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042607266

 

(5)http://www.belaali.com/2019/11/gilets-jaunes-une-annee-de-combat-et-d-espoir.html

(6)https://www.journaldunet.fr/patrimoine/guide-des-finances-personnelles/1194867-ifi-2021-calcul-seuil-bareme-de-l-impot-sur-la-fortune-immobiliere/

(7)https://www.latribune.fr/vos-finances/impots/fiscalite/flat-tax-ifi-jackpot-pour-les-1-les-plus-riches-755922.html#:~:text=Le%20rapport%20pr%C3%A9cise%20que%20les,euros%20par%20an%20par%20m%C3%A9nage.

(8)https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3452_proposition-loi.pdf

 

 

 

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4 janvier 2021 1 04 /01 /janvier /2021 12:41

 

 

Julian Assange ne sera pas extradé vers les Etats-Unis où il encourt la peine de mort

 

 

 

«Donne un cheval à celui qui dit la vérité; il en aura besoin pour s’enfuir».

Proverbe arabe

 

 

En révélant au monde entier les guerres génocidaires, les crimes, les massacres et les mensonges des pays impérialistes, Julian Assange savait qu'il mettait sa vie en danger. Il a ainsi dévoilé la nature profonde de ces pays.Toutes les guerres impérialistes par exemple ont été déclenchées sur la base de mensonges. Assange a osé dire la vérité. Or celle-ci est incompatible avec le fonctionnement même des sociétés capitalistes où le mensonge est érigé en principe sacré, en dogme. Toute profanation de cette règle constitue un sacrilège. Il faut laisser la population dans l'ignorance. Et comme disait Orwell dans 1984 «L'ignorance c'est la force» ! La propagande et l’endoctrinement permanents des citoyens remplacent l’information et le faux devient vrai. Les intérêts d'une seule classe deviennent alors ceux de toutes les classes. Les responsables de ce blasphème seront alors durement punis. Car dans cette société, les hérétiques n'ont pas leur place. Leur vérité constitue une offense, un affront et une insulte au discours mensonger dominant. Julian Assange doit être châtié, persécuté. L'obscurité du mensonge contre la lumière de la vérité. La guerre est donc déclarée contre cet homme. Il n'a aucune chance de la gagner ni même d'obtenir un procès équitable sans le soutien massif des citoyens. Pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni et tous les autres pays capitalistes, Assange est l'homme à abattre. En 2010 par exemple, il a eu le courage de montrer au monde entier, à travers des centaines de milliers de documents classifiés de l'armée américaine, la réalité de l'invasion de l'Irak : crimes de guerre, massacres, tortures... la souffrance infligée à la population irakienne, réduite à vivre dans des conditions infra-humaines, donne la mesure de la cruauté dont les pays capitalistes sont capables (1). Les documents publiés donnent l'ampleur de cette tragédie irakienne : 109 032 victimes dont 60 % de civils (2). A l'époque, les médias aux ordres parlaient des «frappes chirurgicales» ! Et quel est le crime de chacune de ces victimes ? Selon Bush et Blair, l'Irak représente un véritable danger pour le monde. Il possède les armes de destruction massive et demeure le foyer mondial du terrorisme. Il faut donc sécuriser ce pays et apporter à sa population démocratie, liberté et prospérité. Des mensonges et toujours des mensonges !

 

Le président équatorien  Lenin Moreno, celui par qui le scandale est arrivé, disait : « J’ai demandé à la Grande-Bretagne la garantie que M. Assange ne serait pas extradé vers un pays où il pourrait être torturé ou condamné à mort». (3)

Moreno sait très bien que les Etats-Unis ont émis une ordonnance d'extradition de Julian Assange avec un acte d'accusation précis (4) et que son pays et le Royaume-Uni feront tout pour faciliter ce transfèrement. Une fois aux Etats-Unis, la vie de Julian Assange sera en danger ou comme disent les experts de l'ONU, l'extradition met « potentiellement sa vie en danger» (5),

Rappelons que la majorité des Etats (trente sur cinquante) appliquent encore la peine de mort et que la pratique de la torture est bien réelle. Le sort d'Assange n'aura probablement rien à envier à celui de l'autre lanceur d'alerte Chelsea Manning qui a « enduré de longues périodes d’isolement et de torture. Elle a tenté à deux reprises de se suicider en prison. Elle connaît par expérience douloureuse les innombrables façons dont le système peut vous briser psychologiquement et physiquement» (6).

 

Voilà ce que réservent les pays impérialistes à ceux et celles qui, au détriment de leur vie, osent dire la vérité aux citoyens en les informant sur les abus du pouvoir. Les pays capitalistes ne peuvent fonctionner que sur la base de mensonge et de répression dans tous les domaines.

Laissons le dernier mot à la mère de Julian Assange :«La vie de mon fils, le journaliste Julian Assange, est en danger imminent et grave. Je vous remercie tous d’entendre l’appel d’une mère qui vous demande de l’aider à le sauver (…) Parce qu’il s’agit d’une persécution politique transnationale par une superpuissance sauvage en collusion avec ses alliés, sauver Julian nécessite l’indignation des peuples du monde. (...) Tout au long de l’histoire, lorsque les abus de pouvoir sont devenus insupportables pour le peuple, celui-ci s’est uni et s’est levé pour les faire cesser» (7).

 

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.legrandsoir.info/Les-ravages-de-la-guerre-imperialiste-en-Irak.html

(2)https://www.ojim.fr/portraits/julian-assange-master-hacker/

(3)https://twitter.com/Lenin/status/1116271659512684544

(4)https://www.legrandsoir.info/acte-d-accusation-contre-julian-assange.html

(5)https://news.un.org/fr/story/2019/04/1040961

(6)https://www.legrandsoir.info/chelsea-manning-et-la-nouvelle-inquisition-truthdig.html

(7)https://www.youtube.com/watch?v=5nxigIRUkcU

 

 

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17 décembre 2020 4 17 /12 /décembre /2020 07:58

 

Dix années sont passées après les bouleversements historiques dans le monde arabe. Malgré des spécificités propres à chaque pays, les révoltes de 2011 sont quant au fond une seule et même contestation contre une situation économique, sociale et politique devenue intenable pour les masses populaires. Les despotes qui ont échappé à la colère de leur peuple tentent, avec l'énergie du désespoir, d'effacer de la mémoire populaire le souvenir de ces magnifiques soulèvements. Ces événements politiques majeurs sont loin de constituer une histoire achevée. Bien au contraire, ils ouvrent une ère nouvelle de contestations dans toute la région. La flamme de la résistance à l'oppression allumée par Mohamed Bouazizi est toujours vivante. Du Maroc au Soudan en passant par l'Algérie, l’Égypte et l'Irak, des vagues de révoltes font encore trembler les régimes en place. Cette contestation renouvelée est née et a grandi sur le sol de la misère économique et du despotisme politique. On peut toujours la réprimer et même l'écraser, mais elle renaîtra tel un phénix de ses cendres. Mais la spontanéité de ces soulèvements n'a pas produit, pour l'instant, des directions réellement révolutionnaires capables de mener les masses opprimées à la victoire.

 

 

Le 17 décembre 2010, Bouazzizi, un jeune marchand ambulant, s'immola par le feu allumant ainsi l'étincelle qui allait enflammer tout le monde arabe. Du Maroc à Bahreïn, les peuples se sont soulevés contre leurs tyrans qui, trop longtemps, les maintenaient dans la misère et l'asservissement. «Erhal», «dégage», «le peuple veut renverser le régime» clamaient d'une seule et même voix les manifestants. Deux dictateurs sont tombés, le tunisien Ben Ali et l'égyptien Moubarak. Le troisième, le yéménite Ali Abdallah Saleh s'est réfugié en Arabie Saoudite.

 

Surpris par la rapidité avec laquelle ces despotes tombaient les uns après les autres, les occidentaux et leurs alliés locaux ont organisé la riposte pour sauver les autres dictateurs. Ils ont envoyé le 14 mars 2011 l'armée saoudienne à Bahreïn pour briser la révolte populaire de ce petit royaume et sauver la dynastie des Al Khalifa dont les jours étaient comptés. En janvier 2011, encouragé par la révolution tunisienne et égyptienne, le peuple du Yémen est descendu massivement dans la rue non pas pour réclamer des réformes politiques, mais pour exiger la fin du régime d'Ali Abdallah Saleh : «le peuple veut renverser le régime» scandaient les manifestants dans les rues de Sanaa, d'Aden et dans toutes les villes du Yémen. Cette révolte populaire et pacifique a réussi à renverser le président Ali Abdallah Saleh au pouvoir depuis 1978. Celui-ci s'est réfugié en Arabie Saoudite le lendemain du bombardement de son palais le 3 juin 2011. C’est également l’Arabie Saoudite qui a soigné dans ses hôpitaux le président gravement blessé et permis enfin son retour au Yémen le 23 septembre de la même année. Et c'est à Riyad que l'accord de transfert de pouvoir entre Saleh et son vice président Abd Rabbo Mansour Hadi a été signé en présence du Roi d'Arabie (1).

 

En Libye, l'aspiration au changement a été dès le départ confisquée par des groupes armés financés et téléguidés par l'OTAN. L'immense espoir soulevé par la révolution tunisienne et égyptienne dans ce pays a été brisé par cette intervention impérialiste. Les américains, les européens et leurs alliés locaux ont ainsi privé le peuple libyen de sa révolution. Le régime de Kadhafi a été remplacé, au prix de milliers de morts, de destruction de l'infrastructure économique et de l'unité du peuple libyen, par des milices islamistes qui jusqu' à aujourd'hui encore continuent à s'affronter.

 

Après la Libye, c'était le tour de la Syrie. Les soulèvements populaires dans les autres pays arabes ont suscité d'énormes espoirs de changement dans les masses opprimées syriennes. Mais là encore, les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite, les pays du Golfe, la France, la Turquie etc. ne pouvaient supporter cette marche autonome des peuples vers la démocratie et le progrès. Ils n'avaient qu'un seul objectif, renverser par la violence le régime d'Assad et installer à sa place un gouvernement à leur solde pour mieux asservir le peuple syrien et servir leurs intérêts économiques et stratégiques. Comme en Libye, l'impérialisme et ses alliés n'ont pas hésité à créer et à utiliser des groupes terroristes dont l'Islam n'est qu'un voile derrière lequel se cachent les intérêts des uns et des autres. Mais la Syrie n'est pas la Libye. Le peuple syrien, dans toutes ses composantes ethniques et religieuses, et ses alliés ont tenu bon face aux terroristes et leurs maîtres occidentaux.

 

Le vent de révolte a soufflé également sur le Maroc. Des manifestations pacifiques hebdomadaires secouaient tout le pays. Le Mouvement du 20 février, à la tête de cette contestation, exigeait une monarchie parlementaire où le roi règne mais ne gouverne pas. C'était une véritable révolution pour un pays habitué à être gouverné par des rois depuis des siècles. A la suite de ces contestations dominicales, Mohamed VI est intervenu à la télévision le 9 mars 2011 pour annoncer un ensemble de réformes constitutionnelles importantes comme le «renforcement du statut du Premier ministre en tant que chef d’un pouvoir exécutif effectif» (2).

En fait ce n était qu'une manœuvre habile pour casser la dynamique de la contestation. Tous les pouvoirs sont restés concentrés entre les mains du roi.

 

En Arabie Saoudite, la contestation n'avait ni l'ampleur ni la portée des soulèvements en Tunisie, en Égypte, à Bahreïn ou au Yémen. Mais le peuple saoudien, comme l'ensemble des peuples arabes, aspire lui aussi à se débarrasser de la dynastie des Al Saoud et à se réapproprier sa fabuleuse richesse pétrolière. Mais les manifestants savaient également que cette richesse est la plus convoitée et la plus protégée au monde. Rappelons qu'en Arabie Saoudite, les manifestations sont strictement interdites comme d'ailleurs les partis politiques, les syndicats et les associations. Aucune critique du roi ni aucune opposition à son gouvernement ne sont tolérées dans cette monarchie absolutiste choyée et protégée par les bourgeoisies occidentales. Toute protestation et toute critique sont condamnées et considérées par le pouvoir comme contraire à L'Islam.

En plus d'une répression sauvage, la caste au pouvoir a distribué sous forme d'avantages divers l'équivalent de 130 milliards de dollars pour taire la protestation et calmer la colère qui montait dans tout le pays. C'est ainsi que le pouvoir saoudien a réussi à étouffer les révoltes sporadiques qui éclataient notamment dans les provinces orientales (3).

 

 

Dix ans après ces soulèvements généralisés, la situation est encore pire que ce qu'elle a été avant 2011. Le désenchantement des populations est à la hauteur de l'enthousiasme suscité par ces événements historiques. La dictature d'Al-Sissi est encore plus brutale que celle de Moubarak, les révoltes populaires au Yémen sont remplacées par une terrible guerre imposée par l'Arabie Saoudite et le chaos règne en Libye. Dans les autres pays arabes où les despotes ont réussi à rester en place, la situation n'est guère meilleure.

 

Ainsi, le soulèvement populaire en Égypte s'il a écarté Moubarak, il n'a pas réussi à renverser son régime. Les Frères musulmans arrivés au pouvoir en juin 2012 ont repris tel quel l'appareil répressif d’État et le font fonctionner pour leur propre compte afin de sauvegarder les intérêts des classes dominantes et de l'impérialisme américain : misère et exploitation pour l'immense majorité de la population avec des promesses d'un monde meilleur au Paradis, richesses et pouvoir ici-bas pour une petite minorité d'exploiteurs menée par le gouvernement de Mohamed Morsi. Rappelons pour mémoire que la Confrérie a refusé de participer à la grande manifestation populaire du 25 janvier 2011 qui a forcé Moubarak, dix huit jours après, à quitter le pouvoir le 11 février.

Morsi a été renversé à son tour par un coup d'Etat militaire en juillet 2013. Le maréchal Al-Sissi prend le pouvoir et installe l'une des plus féroces dictatures au monde. En 2019, un tiers de la population vivait dans la pauvreté la plus sordide avec seulement 1,7 euros par jour ! (4). Les prisons égyptiennes regorgent de dizaines de milliers de prisonniers politiques. La répression, avec la participation de la France, est sanglante (5). Et c'est à ce même dictateur que Macron a déroulé le tapis rouge lors de sa visite à Paris le 6 décembre 2020 et l'a même décoré du plus haut grade de la Légion d’honneur ! (6).

Mais cette terrible répression n'a pas empêché les égyptiens, poussés par la misère, de descendre dans la rue pour exiger le départ du despote du Nil (7).

Répartition des richesses, travail pour tous, justice sociale, droits des femmes, droits des minorités religieuses, lutte contre la corruption, démocratie, dignité etc., toutes ces revendications portées haut et fort par le soulèvement populaire de 2011 ont été effacées par le nouveau pouvoir militaire.

 

En Arabie Saoudite, les manifestations sporadiques de 2011 n'ont pas eu d'effets notables sur la structure du pouvoir de la dynastie des Al-Saoud. Mais les bouleversements intervenus en Tunisie et en Égypte ont poussé les dirigeants saoudiens à réagir rapidement et violemment pour sauver leur propre pouvoir et celui des autres dirigeants sur le point de tomber. C'est dans ce cadre qu'il faut situer les interventions saoudiennes à Bahreïn et au Yémen. Si le Royaume wahhabite a réussi à écraser dans le sang le soulèvement populaire à Bahreïn, son intervention au Yémen n'a fait que créer une situation propice au chaos et à la guerre civile. Profitant de cette situation, les Houthis (8) s'emparent de Sanaa et obligent le président Abd Rabbo Mansour Hadi, installé au pouvoir par l'Arabie Saoudite, à démissionner. L'Arabie et les monarchies du Golfe ne peuvent tolérer l'installation à Sanaa d'un pouvoir qu'elles accusent d'être à la solde de l'Iran. Dans la nuit du mercredi à jeudi 26 mars 2015, l'Arabie Saoudite intervient, mais cette fois, militairement au Yémen (9).

Cette guerre qui se poursuit encore aujourd'hui dans l'indifférence quasi-générale a fait déjà plus de 100 000 morts (10). L'Arabie Saoudite est ainsi devenue, avec l'aide de l'impérialisme américain et européen, le rempart le plus réactionnaire contre tout changement démocratique et progressiste dans tout le monde arabe.

 

L'unité et la souveraineté de la Libye après l'intervention de l'OTAN, bras armé de l'impérialisme, ne sont désormais qu'un lointain souvenir. Le pays est ravagé par une guerre interminable entre milices rivales alimentée par des puissances étrangères qui ne cherchent qu' à défendre leurs intérêts géopolitiques et bien sûr à pomper comme des vampires le pétrole libyen. L’État libyen ou tout du moins ce qu'il en reste est ainsi livré en proie à une féroce meute de hyènes. Privé de sa richesse, de son intégrité et de sa souveraineté, l'avenir pour le peuple libyen reste sombre.

 

Mais malgré le triomphe de l'impérialisme et de ses alliés locaux, cette région du monde reste explosive. Les causes profondes et déterminantes qui ont déclenché les révoltes de 2011 sont toujours là : Chômage de masse, pauvreté, inégalités économiques et sociales cruelles (11) , corruption endémique, répression et torture dans les centres de détention, absolutisme et despotisme politiques etc. etc.

Des révoltes contre les régimes en place éclatent ici et là et aucun pays arabe n'est à l'abri d'un nouveau soulèvement d'envergure.

Parmi ces révoltes populaires on peut citer, entre autres, celles qui ont secoué des pays comme le Soudan, le Maroc ou encore la Jordanie.

Au Soudan un immense soulèvement populaire a emporté le régime d' Omar Al Bachir en avril 2019. Mais malheureusement, la réalité du pouvoir dans ce pays est toujours entre les mains des militaires et les islamistes se tiennent en embuscade (12).

Au Maroc, le Hirak populaire d'octobre 2016 a été vaincu par la monarchie. Mais il a montré au peuple marocain que non seulement ses intérêts et ceux du Makhzen sont en totale contradiction, mais surtout que le chemin vers cette forme de vie supérieure sera long et sinueux.

En Jordanie, les contestations de juin 2018, si elles n'ont pas renversé la monarchie, elles ont au moins fait tomber le premier ministre. Mais cette révolte montre surtout que le malaise est profond dans tout le monde arabe et tant que les racines du mal ne sont pas éradiquées, ces révoltes seront appelées à se renouveler. L'avenir de la région est gros d'agitations et de soulèvements.

 

Les graines de la résistance semées en 2010/2011 ont produit une moisson abondante de révoltes et de contestations dans tout le monde arabe. Mais ces soulèvements malgré leurs grandeurs manquent cruellement de dirigeants, de directions conscientes capables d'éclairer et d'assumer avec détermination les luttes des peuples. Les révoltes spontanées traduisent déjà une certaine forme de prise de conscience. Celle ci se développe et se renforce au fur et à mesure de l'avancement des luttes. Mais sans une direction réellement révolutionnaire, les soulèvements spontanés produiront au mieux quelques réformes au sommet de l’État laissant intactes les bases économiques et politiques des régimes contre lesquels les peuples se sont élevés.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)http://www.belaali.com/article-yemen-la-revolution-arabe-va-t-elle-emporter-le-regime-d-ali-abdallah-saleh-70388924.html

(2)https://www.bladi.net/discours-du-roi-mohamed-vi-9-mars-2011.html

(3)http://www.belaali.com/article-arabie-saoudite-le-silence-complice-des-bourgeoisies-occidentales-sur-les-revoltes-populaires-109557989.html

(4)https://businessforwardauc.com/2019/10/27/why-are-egyptians-getting-poorer-and-how-to-stop-it-2/

(5)https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/egypte/egypte-une-repression-made-in

(6)https://www.20minutes.fr/politique/2929671-20201211-tolle-apres-remise-macron-plus-haute-distinction-francaise-sissi-toute-discretion

(7)https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/10/egypt-rare-protests-met-with-unlawful-force-and-mass-arrests/

(8) Les Houthis (Al-hûthiyûn en arabe), est un mouvement politique de confession zaydite, un rameau du chiisme, ont toujours été marginalisés sur le plan économique, politique et religieux au Yémen.

(9)http://www.belaali.com/2016/09/les-guerres-profanes-de-l-arabie-saoudite-au-yemen.html

(10)https://acleddata.com/2019/10/31/press-release-over-100000-reported-killed-in-yemen-war/

(11)Banque mondiale, https://data.worldbank.org

(12)http://www.belaali.com/2019/12/revoltes-revolutions-et-coups-d-etat-au-soudan.htm

 

 

 

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28 novembre 2020 6 28 /11 /novembre /2020 08:10

 

 

Sans F. Engels, Marx n'aurait probablement jamais pu surmonter tous les obstacles qui se dressaient sur son chemin et mener jusqu'à son terme sa tâche prométhéenne de révolutionnaire. Leur amitié était exemplaire. De «La sainte famille» au «Manifeste du Parti communiste» en passant par «l'Idéologie allemande» et une abondante et riche correspondance, les deux hommes ont travaillé en étroite collaboration sans jamais se soucier le moins du monde de leur amour-propre. Détesté par les gouvernements réactionnaires d'Allemagne, de France et de Belgique, Marx a trouvé refuge à Londres où il a vécu dans des conditions matérielles extrêmement difficiles jusqu'à la fin de ses jours. «Il m'est extrêmement difficile, écrivait-il à Engels, de t'entretenir une fois de plus de ma misère, mais que faire ?» (1) . Sans l'aide matérielle régulière d'Engels, Marx n'aurait jamais pu écrire le Capital. Et lorsqu'il a terminé le Livre I, Marx s'est empressé à remercier son ami : «Voilà donc ce volume terminé. Si cela a été possible, c'est à toi seul que je le dois! Sans ton dévouement pour moi, il m'aurait été impossible de faire des travaux énormes que demandent les trois volumes» (2) . Ajoutons que c'est Engels qui rédigea le Livre II du Capital (1885) et le livre III (1894) à partir des manuscrits laissés inachevés par Marx. Il n'a pas eu le temps de préparer le livre IV.

Par ces temps obscurs, il est utile d'évoquer même très brièvement la vie et les activités de ce grand révolutionnaire et guide spirituel du mouvement ouvrier. La lecture ou la relecture des œuvres d'Engels comme celles de son ami sont indispensables pour tous ceux qui veulent comprendre et surtout changer ce monde de plus en plus insupportable.

 

 

Engels est né le 28 novembre 1820 à Barmen dans le Royaume de Prusse dans une famille conservatrice et orthodoxe. Son père était un riche industriel du textile. A l'âge de dix-huit ans, pour des raisons familiales, Engels abandonna ses études et s'installa comme apprenti au comptoir de commerce à Brême. D'octobre 1841 à octobre 1842, Engels effectua son service militaire dans l'artillerie et portera durant toute sa vie un intérêt particulier à la science militaire pensant que c'était une nécessité pratique dans les conflits révolutionnaires.

 

Il se rendra par la suite à Manchester pour travailler comme employé dans la filature Ermen & Engels dont le père était actionnaire. L'industrie britannique, plus avancée que dans le reste de l'Europe, produisait déjà des bouleversements économiques et sociaux d'une grande importance. La structure de classes de la société anglaise était beaucoup plus évidente qu'en Allemagne ou en France par exemple. Le développement accéléré de l'industrie britannique et les ravages qu'il produisait sur les ouvriers ont appris à Engels que les faits économiques, souvent négligés par les historiens, constituent des éléments décisifs dans la compréhension des sociétés modernes.

Le Lancashire et notamment Manchester étaient le centre de l'industrie de l'empire britannique. Engels ne se contentait pas seulement de son travail d'employé dans un bureau, il parcourait tous les quartiers ouvriers misérables. «La ville elle-même est construite d'une façon si particulière qu'on peut y habiter des années sans jamais entrevoir un quartier ouvrier ni même rencontrer d'ouvriers, si l'on se borne à vaquer à ses affaires ou à se promener» (3) .

Il étudia en profondeur la situation faite aux prolétaires avant de publier en 1845

«La Situation de la classe laborieuse en Angleterre». Engels non seulement a décrit la détresse et la souffrance des prolétaires avec une minutie et une rigueur dont lui seul est capable, mais il a surtout annoncé que la misère dans laquelle se trouvait cette classe, la pousserait inévitablement à lutter pour révolutionner de fond en comble sa situation matérielle et morale et pour son émancipation définitive. Le livre d'Engels constitue un véritable réquisitoire contre la bourgeoisie anglaise : «Je n'ai jamais vu une classe si profondément immorale, si incurablement pourrie et inté­rieu­rement rongée d'égoïsme, si incapable du moindre progrès que la bourgeoisie anglaise» (4) .

De 1845 à 1847, Engels et Marx ont collaboré avec la Ligue des communistes qui leur demanda de rédiger les principes essentiels du communisme. De cette exigence de la Ligue est né le célèbre «Manifeste du Parti communiste», œuvre universelle qui a résisté à l'épreuve du temps. Les idées exprimées dans ce petit livre n'ont jamais été aussi vivantes et aussi actuelles qu'aujourd'hui. 

 

En 1848, l'Europe est submergée par une vague révolutionnaire. Engels participa activement à cette insurrection armée des peuples. Après l'écrasement de ce soulèvement, Engels se réfugia en Suisse avant de regagner Londres.

 

Pour pouvoir aider financièrement Marx et sa famille installés également dans la capitale britannique, Engels retourna travailler avec son père à Manchester jusqu'en 1870. Durant cette période, les deux hommes correspondaient et échangeaient d'une manière intense leurs réflexions et leurs connaissances et continuaient à construire le socialisme scientifique.

 

Pour s'emparer du pouvoir politique indispensable à leur émancipation, les prolétaires doivent s'organiser au niveau planétaire. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre l'appel de Marx et d'Engels à l'union de tous les travailleurs : « PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !». Le 28 septembre 1864 Marx et Engels ont participé activement à la création de l'Association internationale des travailleurs (AIT) au cours d'un grand meeting ouvrier à Saint-Martin's Hall de Londres. L'Association a joué un rôle essentiel dans la solidarité et le développement de la classe ouvrière .

 

En 1870, Engels rejoignit Marx à Londres. Les deux amis poursuivirent leurs activités intellectuelles et pratiques toujours au service de la classe laborieuse. Membre du Conseil général de l'Association internationale des travailleurs, Engels organisa, entre autres, l'aide apportée aux communards exilés à Londres après la défaite de la Commune en 1871.

Marx écrivit, en parallèle de ses activités militantes, «Le Capital» et Engels toute une série de travaux comme «L'Anti-Dühring», «L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat», « Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande» ou encore des articles sur la question du logement pour ne citer que ces quelques ouvrages.

 

Le 14 mars 1983, Marx, le grand Karl Marx a cessé de vivre. Sur la tombe de son ami, Engels prononça sobrement en anglais ces quelques mots «Le 14 mars, le plus grand des penseurs vivants a cessé de penser. (...)Marx était avant tout un révolutionnaire.(...) La lutte était son élément. Et il a lutté avec une passion, une opiniâtreté et un succès rares.(...)  Il est mort, vénéré, aimé et pleuré par des millions de militants révolutionnaires du monde entier, dispersés à travers l'Europe, et l'Amérique, depuis les mines de la Sibérie jusqu'en Californie» (5) .

 

Après la mort de Marx, Engels poursuivra seul le combat pour l'émancipation du prolétariat moderne.

 

En1872/1873 la première Internationale a cessé d'exister après l'écrasement de la Commune. Le 14 juillet 1889, un siècle donc après la grande révolution française, les partis socialistes européens se sont réunis à Paris à l'initiative d'Engels pour le congrès fondateur de la deuxième Internationale, dite Internationale socialiste. Dans la salle, une grande banderole surplombe la tribune : «PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !».

 

Dans cette nouvelle Internationale, les idées révolutionnaires de Marx et d'Engels sont majoritaires.

A la fin du congrès, une immense couronne d'immortelles a été déposée au mur des Fédérés à la mémoire des martyrs de la Commune.

 

Au crépuscule de sa vie, Engels restait encore celui auprès de qui les ouvriers du monde entier venaient chercher conseil : « (... ) ils puisaient tous au riche trésor des lumières et de l'expérience du vieil Engels» (6) .

 

Friedrich Engels s'est éteint à Londres le 5 août 1895. Sa mémoire est conservée jalousement dans le cœur des millions de révolutionnaires à travers le monde.

 

Mohamed Belaali

 

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(1) Lettre de Marx à Engels, 18 juin 1862 cité in K Marx, sociologie critique. M Rubel, page 119.

 

(2) Le Capital, livre I, page 7. Éditions du Progrès.

 

(3) F Engels «La Situation de la classe laborieuse en Angleterre»

 

(4) https://www.persee.fr/docAsPDF/genes_1155-3219_1996_num_22_1_1367.pdf

 

Voir également : https://www.marxists.org/francais/engels/works/1845/03/fe_18450315_pref.htm

 

(4) https://www.marxists.org/francais/engels/works/1845/03/fe_18450315_11.htm

(5) https://www.marxists.org/francais/engels/works/1883/03/fe18830317.htm

(6) https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1895/00/fe.html

 

 

 

 

 

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17 novembre 2020 2 17 /11 /novembre /2020 06:47

«Ce n'est pas la richesse qui manque dans ce monde, c'est le partage»

 

 

 

 

 

 

 

Au début du Mouvement, ils étaient encore des dizaines sur le rond-point. Aujourd'hui il ne reste qu'une vingtaine d'irréductibles. Ici comme sur des milliers d'autres ronds-points, des hommes et des femmes, samedi après samedi, acte après acte, se dévouent pour maintenir en vie la flamme de ce formidable soulèvement populaire. Ils sont en quelque sorte les représentants de toute cette France, très abîmée par le pouvoir et les grandes fortunes du pays, mais toujours debout.

 

 

Le rond-point et ses environs immédiats (routes, gare de péage, parking de supermarché, pompe à essence etc.) ne sont pas seulement des lieux géographiques sans charme, mais des espaces où s'expriment la colère et la révolte de celles et ceux qui ne peuvent s'exprimer nulle part. Par sa régularité et sa durée, le combat des Gilets jaunes sur le rond-point se différencie nettement des manifestations épisodiques classiques et des parcours syndicaux bien encadrés. Le rond-point ainsi que la gare de péage située à proximité, voient passer des milliers de voitures chaque samedi. Les automobilistes, dans leur immense majorité, ralentissent l'allure, klaxonnent, saluent avec sympathie, montrent leur gilet jaune en guise de solidarité ou parfois de générosité en donnant quelques victuailles... Certains font le détour et viennent échanger et encourager les réfractaires. Les opérations «péage gratuit», lorsqu'elles se produisent, se déroulent dans une ambiance bon enfant au milieu des klaxons approbateurs des passagers. Les Gilets jaunes profitent alors de ces moments pour appeler la population à les rejoindre et à se mobiliser contre la politique de misère sociale de Macron à travers des revendications écrites directement sur les gilets ou sur des banderoles et pancartes bricolées à la hâte.

 

Sans ce soutien et cette solidarité des automobilistes et de l'opinion en général, les Gilets jaunes n'auraient probablement jamais pu tenir aussi longtemps. Si beaucoup d'automobilistes partagent leurs revendications, très rares malheureusement, sont ceux qui franchissent le pas et viennent régulièrement sur le rond-point. Le soutien de la population reste donc très symbolique.

 

Il faut dire que Macron, le président banquier, avait pris la responsabilité de mener la guerre à ces gueux qui ont osé défier son pouvoir quasi-monarchique et l'ont même, un moment, fait vaciller en sortant massivement tous les samedis dans toute la France pour crier leur détresse et leur colère. Macron et les siens avaient réellement pris peur. Il fallait donc se venger de ce petit peuple en jaune qui n'aspire qu'à vivre de son travail. Il fallait terroriser cette « foule haineuse » par des châtiments corporels d'un autre âge : mains arrachées, yeux crevés, visages défigurés, crânes fracassés etc. La haine du pouvoir bourgeois pour les Gilets jaunes est sans limite.

Cette répression sauvage, la propagande des grands médias tous entre les mains de puissants milliardaires, les expulsions des rond-points, les poursuites judiciaires interminables, les interdictions de manifester, les parcours défendus dans les centres-villes, les pressions et intimidations de toutes sortes ainsi que les mesures restrictives liées à la crise sanitaire, tous ces éléments et bien d'autres ont nettement affaibli le Mouvement.

Il faut beaucoup de courage aujourd'hui pour être encore Gilet jaune !

 

Le mouvement ou tout du moins ce qu'il en reste tente, vaille que vaille, de résister avec des effectifs nettement réduits. Même si globalement la population lui apporte encore son soutien, les derniers Gilets jaunes retranchés sur leurs ronds-points se sentent terriblement seuls, abandonnés à leur triste sort par toutes les forces qui, théoriquement du moins, devraient être à leur côté.

Certains «professionnels de la lutte» qui se prennent pourtant pour des «révolutionnaires purs», ne s'étaient pour ainsi dire jamais aventurés sur un rond-point. Le combat des Gilets jaunes ne correspond peut-être pas tout à fait à leur catéchisme révolutionnaire. Ils sont restés, avec leur vision un peu idéalisée des mobilisations, à l'écart du Mouvement.

D'autres militants plus sincères et plus expérimentés, mais issus pour la plupart de la petite bourgeoisie, étaient quant à eux mal à l'aise sur les ronds-points et ont fini par les déserter abandonnant progressivement cette partie de la population ignorée et méprisée par les gouvernements bourgeois successifs. Probablement les barrières de classe qui les séparent des Gilets jaunes restent pour eux infranchissables.

Plus grave encore est l'attitude des syndicats et des partis politiques (à l'exception de l'Union syndicale Solidaires, de la France insoumise et du NPA) envers les Gilets jaunes. Dès le début de cette immense colère populaire, les directions de certains syndicats, des partis politiques et les intellectuels de gauche à quelques exceptions près, leur ont littéralement et honteusement tourné le dos. Ils ont assisté en spectateurs à ce conflit ouvert comme s'ils n'étaient pas concernés. Même les syndicats et les partis de gauche qui ont apporté leur soutien au Mouvement, ne se sont pas réellement impliqués dans cette formidable révolte. Ils ont laissé les Gilets jaunes seuls face à un pouvoir réactionnaire et extrêmement violent.

 

Le combat des Gilets jaunes, dans une certaine mesure, constitue un refus, une révolte contre cet immobilisme des organisations syndicales et politiques réduites à gérer conjointement avec le pouvoir le système en place, alors même que la tendance générale du capitalisme n'est pas d'améliorer les conditions de celles et ceux qui produisent la richesse, mais à les dégrader.

 

C'est une remise en cause profonde de leurs tactiques et de leurs stratégies. Ce n'est pas un hasard si le Mouvement des Gilets jaune a surgi sur la la scène politique française au moment où le capitalisme semble domestiquer les directions de ces différentes organisations. Certains appareils, tellement à l'aise dans cette situation de collaboration de classe, vont jusqu'à espérer, sans jamais l'avouer, la mort du Mouvement.

 

Il ne s'agit pas tant de critiquer les syndicats en tant qu'instrument précieux et indispensable entre les mains des travailleurs pour combattre le despotisme patronal que de dénoncer l'attitude opportuniste de leurs directions. Leur silence et leur absence au côté du peuple (ouvriers, employés, chômeurs, artisans en situation économique difficile, petits retraités, femmes pauvres...) constituent non seulement un soutien indirect au pouvoir, mais aussi une opportunité offerte à toutes les forces réactionnaires pour s'emparer du Mouvement. C'est une blessure qui restera longtemps ouverte.

 

 

Le Mouvement populaire des Gilets jaunes malgré sa grandeur n'a jamais réussi réellement à se structurer, même s'il a senti la nécessité de s'organiser (Assemblée des assemblées), pour pouvoir mener une lutte politique de classe contre classe. Le combat des Gilets jaunes s'apparente davantage à une révolte, à une contestation populaire spontanée qu' à un mouvement organisé et guidé par une direction consciente et déterminée. Le Mouvement des Gilets jaunes, nonobstant ses faiblesses et ses contradictions, restera un événement majeur dans cette lutte qui fait rage entre les dominants et les dominés. Il entrera dans l'histoire avec une aura qui lui est propre.

 

Mohamed Belaali

 

 

 

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 07:27

 

Je publie à nouveau ce texte écrit en 2015 sur la liberté d'expression après le drame de Charlie Hebdo. Aujourd'hui comme hier, la classe dirigeante instrumentalise et exploite sans limite l'émotion et l'indignation suscitées par l'assassinat de Samuel Paty pour ses propres intérêts politiques et idéologiques. Ce crime ignoble constitue dans un contexte de paupérisation, de précarisation de masse et de colère contre une gestion chaotique de la pandémie, une véritable aubaine pour un pouvoir qui, pour se maintenir, s'appuie de plus en plus sur la manipulation, le mensonge et sur son appareil répressif.

 

«Je continue de prendre pour modèle de référence le « Charlie » originel : le grand Charlie Chaplin qui ne s’est jamais moqué des pauvres » - Schlomo Sand

 

 

Président de la République, Gouvernement, Parlement, médias et intellectuels, dans une étrange communion, célèbrent avec enthousiasme et exubérance la liberté d'expression. Et pendant que la classe dirigeante, à travers le pouvoir exécutif, prétend défendre cette précieuse liberté, ses institutions répressives traquent, répriment, calomnient, dénigrent et censurent tous ceux et toutes celles qui expriment une pensée différente ou tout simplement profèrent des mots vite interprétés comme faisant l'apologie du terrorisme et de l'islamisme. Un climat détestable règne aujourd'hui en France. Une forme de terrorisme intellectuel et de fascisation des esprits s'installe insidieusement au nom de la liberté d'expression.

 

La classe dominante, sans vraiment le vouloir, présente sa liberté d'expression comme étant celle de toutes les autres classes sociales. Lorsqu'elle évoque la liberté d'expression, c'est à sa propre liberté qu'elle pense. Car elle est justement l'expression de ses intérêts. Ce qui est permis aux uns est interdit aux autres. Autrement comment peut-on expliquer cet acharnement à vouloir taire et étouffer tout ce qui se dresse, d'une manière ou d'une autre, contre la pensée dominante.

 

Les grands médias, concentrés entre les mains de puissants groupes industriels et financiers, qui ont une influence considérable sur l'opinion publique utilisent la liberté d'expression uniquement pour servir leurs intérêts économiques et idéologiques. La liberté d'expression reste un privilège de classe.

Est libre toute expression qui sert directement ou indirectement les intérêts dominants. Est suspecte, voire parfois criminelle, toute pensée différente. Même les enfants n'échappent pas à cette logique de suspicion. Leur parole spontanée heurte la vérité officielle. Il faut la condamner. Cette répression constitue par elle-même une éclatante négation de cette fameuse liberté bourgeoise d'expression.

Les idées autres que celles du pouvoir deviennent insupportables. Seule la liberté d'expression de la classe dominante doit régner: «L’école est en première ligne aussi pour répondre à une autre question car même là où il n’y a pas eu d’incidents il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves, et nous avons tous entendu les oui je soutiens Charlie, mais…, les deux poids deux mesures. Pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là ? Ces questions nous sont insupportables» déclarait une éminente représentante du Gouvernement (1). Seuls les «oui» ont le droit à cette liberté. Les «mais» en sont exclus ! Pas de place pour les hérétiques. A l'école, plus de questionnements, plus d'interrogations, plus d'esprit critique, plus rien. Place au formatage, au gavage et au dressage !

 

Les citoyens ne doivent plus s'interroger sur le drame de Charlie Hebdo. Plus de questions sur les racines du terrorisme, sur le rôle des États-Unis, de la France, de l'Arabie Saoudite, du Qatar et de la Turquie dans la création de ces groupes armés qui sèment aujourd'hui la terreur un peu partout à travers la planète . Ils doivent seulement répéter ce que le pouvoir pense à leur place. La seule liberté d'expression qu'on leur laisse, la seule qui est autorisée est la liberté officielle.

Plus de questions également sur la société française qui produit et produira probablement encore des monstres. Car le questionnement, les interrogations et la recherche des causes complexes internes et externes du terrorisme peuvent mettre en exergue les liens intimes qui existent entre les bourgeoisies occidentales et le terrorisme.

 

Pour la classe dirigeante, ces questions sont tout simplement «insupportables». La bourgeoisie est donc incapable de supporter une véritable liberté d'expression. Elle adopte en permanence de nouvelles lois de plus en plus répressives et liberticides pour protéger sa propre liberté d'expression et pour mieux contrôler et confisquer la parole des autres.

Mais au-delà de l'aspect judiciaire, c'est la dimension politique et idéologique qui intéresse la classe dominante. Il s'agit à travers la lutte contre le terrorisme de créer un climat, un sentiment «d'union nationale» permettant et facilitant non seulement de nouvelles attaques contre les libertés individuelles et collectives dont la liberté d'expression mais également l'application de politiques de misère sociale qui ravagent aujourd'hui la France. Cet état d'esprit, basé sur l'exploitation de l'émotion, de la colère et de l'indignation sincères suscitées par les attentats terroristes doit se prolonger le plus longtemps possible tellement il sert les intérêts de la classe dirigeante. « L’esprit du mois de janvier 2015, c’est l’unité de la République(...) Cet esprit-là, je dois le prolonger » disait le chef de l’État (2).

 

La liberté d'expression est une arme idéologique redoutable entre les mains de la bourgeoisie qui lui permet de mieux combattre celle des autres. Elle l'utilise pour marginaliser et réduire ses adversaires au silence tout en se présentant hypocritement et cyniquement comme la grande protectrice de cette précieuse liberté. Rien de plus normal dans une société fondée sur les antagonismes de classes. Il n'existe pas de liberté d'expression en dehors ou au-dessus des classes sociales. En définitive, la liberté d'expression n'est que le reflet de cette lutte des classes qui déchire la société bourgeoise.

 

Mohamed Belaali

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(1)http://www.najat-vallaud-belkacem.com/2015/01/14/najat-vallaud-belkacem-je-mobilise-la-communaute-educative-pour-repondre-par-des-actes-forts/

(2)https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/attaque-au-siege-de-charlie-hebdo/video-l-esprit-de-janvier-2015-je-dois-le-prolonger-lance-hollande-lors-de-sa-conference-de-presse_816747.html

 

 

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31 octobre 2020 6 31 /10 /octobre /2020 08:27

 

Ce texte écrit en 2015, s'il est dépassé sur certains points liés à l'évolution de la situation géopolitique du Moyen-Orient, il reste quant au fond d'une tragique actualité. Le retour sur les liens intimes qui existent entre le terrorisme et les guerres impérialistes peut aider à comprendre ce phénomène qui est en fait l'un des symptômes du pourrissement de la société capitaliste.

 

 

Taliban, Al Qaeda, Aqmi, Boko Haram, Rebelles libyens, Rebelles syriens, Daech, Al Nosra, Khorassane, ne sont que des noms, parmi tant d'autres, pour désigner des organisations et des mouvements créés, financés, entraînés et armés directement et indirectement par l'impérialisme américain et son caniche européen dans le seul et unique but de servir leurs intérêts économiques et stratégiques. En condamnant toutes les voies et toutes les issues progressistes, l'impérialisme a ouvert la boîte de Pandore libérant des monstres qui essaiment un peu partout, mais qui lui servent de prétexte pour d'éventuelles interventions dans les pays qui lui sont réfractaires. L'impérialisme est le père de tous les terrorismes.

 

 

La violence et la cruauté des groupes terroristes, aussi barbares soient-elles, sont peu de chose par rapport à la terreur que l'impérialisme exerce sur les peuples qui refusent de se soumettre à sa domination. Un pays comme l'Irak par exemple est aujourd'hui dans un état de décomposition avancé. L’intégrité du pays et son unité ne sont désormais qu'un lointain souvenir. Les guerres impérialistes dans ce pays ont laissé derrière elles des centaines de milliers de morts. Et c'est Madeleine Albrith qui justifiait froidement en 1996 la mort de 500 000 enfants irakiens (1).

 

L'empire américain a dressé des fanatiques religieux contre Nasser en Egypte, contre Sukarno en Indonésie, contre Bhutto au Pakistan, contre Najibullah en Afghanistan. Le but est de contrer et d'étouffer toute pensée et tout mouvement communiste ou même nationaliste.

 

Au Pakistan, le général dictateur Zia a renversé le gouvernement démocratiquement élu d'Ali Bhutto grâce au soutien décisif de Washington. Pour asseoir son pouvoir et mater toute opposition laïque, le dictateur instrumentalise l'Islam. «Les hommes de Zia étaient obtus, insensibles et cruels. Le nouveau régime avait décidé d'utiliser l'Islam comme machine de guerre ; ses partisans barbus, souvent incroyablement stupides, étaient opportunistes jusqu'à la moelle. Ils mêlaient la religion aux profanations les plus viles» écrivait Tariq Ali dans «Le choc des intégrismes» (2). Des Madrassas (écoles coraniques) fleurissaient alors un peu partout au Pakistan. En plus de la formation religieuse, on apprenait à ces talibans (étudiants) le maniement des armes et les techniques de la guérilla. Il s'agit en fait de centres d'endoctrinement gérés et contrôlés par les fameux services secrets pakistanais ISI (Inter-Services Intelligence). De ces écoles religieuses naquirent des dizaines de milliers de fanatiques prêts à tous les sacrifices. L'impérialisme avait besoin de Zia et de ses talibans pour renverser d'abord le gouvernement pro-soviétique, installé à Kaboul, et surtout livrer la guerre aux troupes Soviétiques présentes sur le sol Afghan ensuite. Les talibans sont ainsi devenus, par la grâce des dollars américains et des pétrodollars saoudiens les « moudjahidins de la liberté» qui allaient mener le djihad (la guerre sainte) contre les « communistes » afghans et leur protecteur soviètique. Dans son interview accordée au Nouvel Observateur, le chef de la sécurité nationale de Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski déclarait ceci :

- Nouvel Observateur: «Vous ne regrettez pas non plus d'avoir favorisé l'intégrisme islamiste, d'avoir donné des armes, des conseils à des futurs terroristes?»

- Zbigniew Brzezinski : «Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide?» (3).

Rappelons que pendant la guerre contre l'Union soviétique, le dictateur Zia et ses services de renseignement ont demandé à l'Arabie Saoudite de dépêcher un membre de la famille royale pour superviser la «guerre sainte». Faute de pouvoir trouver un émir, c'est un certain Oussama Ben Laden qui fut envoyé !!

 

Le chaos que connaît actuellement la Libye est la conséquence directe de l'intervention militaire américaine et européenne dans ce pays (4). Les nombreuses milices islamistes qui font régner aujourd'hui la terreur dans ce pays martyr, avaient non seulement servi de troupes terrestres aux bombardements de l'OTAN , bras armé de l'impérialisme, mais également de justification et de légitimation de l'intervention impérialiste pour renverser le régime de Kadhafi. La propagande des médias américains et européens présentaient ces djihadistes comme des «rebelles» et des «révolutionnaires» prêts à se sacrifier pour la liberté et la démocratie. Il fallait donc les entraîner, les armer et les financer. Et c'est grâce à L'OTAN que ces milices sont entrées triomphalement à Tripoli. Abdelhakim Belhaj, «l'émir» du Groupe islamique combattant (GIC) lié à Al Qaeda, remerciait d'ailleurs publiquement les dirigeants américains et européens de lui avoir offert ce triomphe (5). Rappelons que les chefs de ce groupe sont tous formés par la CIA en Afghanistan pour combattre l'armée soviétique. Derna, ville libyenne sur la méditerranée, est aujourd'hui dirigée par ce que l'on appelle communément l'Etat Islamique (EI). Le contrôle de cette ville par EI est rendu possible grâce à la collaboration d'une autre milice, Ansar Al Charia, farouche opposante au régime disparu de Kadhafi.

La destruction de l’État libyen par l'OTAN et ses alliés islamistes a permis par ailleurs le pillage des arsenaux militaires par des groupes djihadistes opérant en Tunisie, en Égypte et surtout au nord Mali. La France qui est intervenue dans ce dernier pays pour mener «la guerre au terrorisme», a participé activement au renversement du régime libyen en soutenant les milices islamistes ! Les mêmes groupes armés sont traités tantôt de «terroristes», tantôt de «rebelles» en fonction des seuls intérêts de la bourgeoisie.

 

La Turquie, dirigée aujourd'hui par un gouvernement islamiste et conservateur, affiche ostensiblement sa volonté de renverser le régime laïc baassiste syrien. Il faut préciser que la Turquie est membre à part entière de l'OTAN et alliée de poids de l'impérialisme américain dans la région. Son soutien aux «rebelles syriens» est total. Les frontières turques sont largement ouvertes aux « rebelles » et aux mercenaires du monde entier pour mener la «guerre sainte» au régime syrien. La Turquie sert de base arrière aux islamistes de tout bord pour se soigner, se reposer et surtout pour s'entraîner. Mais cette volonté de la Turquie de renverser le régime baassiste par tous les moyens n'est rendue possible que grâce à la complicité de l'impérialisme américain et européen.

 

 

Vouloir installer par la violence des gouvernements à leur solde, l'impérialisme et ses alliés locaux n'ont pas hésité à soutenir des mouvements politiques dont l'Islam n'est qu'un voile derrière lequel se cachent les intérêts des uns et des autres. Les mauvaises graines qu'ils ont semées à travers la planète ont produit une moisson abondante de groupes dont la cruauté et la barbarie s'inspirent directement de celles de leurs maîtres. L'Arabie Saoudite, modèle de démocratie et du respect des droits de l'homme et surtout de la femme, décapite au sabre et en public chaque année des dizaines d'hommes. Or l'Arabie reste le soutien financier et idéologique (le wahhabisme) le plus décisif des nombreuses organisations djihadistes réactionnaires qui opèrent notamment en Irak et en Syrie. Mais l'Arabie Saoudite est également pour l'impérialisme américain, en plus de ses richesses pétrolières, le rempart le plus solide contre toute idée et tout régime démocratique, progressiste et laïc : «Les richesses pétrolières enfouies sous le sable de l'Arabie, le rôle de défenseur des intérêts impériaux de l'impérialisme américain font de cet État féodal un «ami» de toutes les bourgeoisies occidentales et l'ennemi de tous les travailleurs» (6). Le terrorisme est à l'image de l'impérialisme.

 

 

Mohamed Belaali

 

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(1)http://www.belaali.com/article-les-ravages-de-la-guerre-imperialiste-en-irak-48981793.html

 

 

(2)Tarik Ali «Le choc des intégrismes »,Textuel,2002, page 215

 

(3)Le Nouvel Observateur du 15-21 janvier 1998

 

(4)http://www.belaali.com/article-la-libye-apres-l-intervention-imperialiste-108002868.html

 

(5)http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/libye-abdelhakim-belhaj-l-islamiste-qui-remercie-les-occidentaux_1027938.html

 

Voir également son portrait dressé par le journal Libération :

http://www.liberation.fr/monde/2011/08/26/abdelhakim-belhaj-le-retour-d-al-qaeda_757094

 

(6)http://www.belaali.com/article-arabie-saoudite-le-silence-complice-des-bourgeoisies-occidentales-sur-les-revoltes-populaires-109557989.html

 

 

 

 

 

 

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17 octobre 2020 6 17 /10 /octobre /2020 19:19

 

Contre la culture de l'amnésie, une date à ne pas oublier : 17 octobre 1961.

Des centaines d'algériens ont été noyés et massacrés ce jour-là en plein Paris par l’État français.

 

https://m.ina.fr/video/1838481001002/dossier-historique-rafle-du-17-octobre-1961-video.html

 

 

 

 

 

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9 octobre 2020 5 09 /10 /octobre /2020 06:54

A l'occasion du 53 ème  anniversaire de l'assassinat du Che et contre la culture de l'amnésie, je reposte ce texte.

 

 

 

«Toute notre action est un cri de guerre contre l'impérialisme et un appel vibrant à l'unité des peuples contre le grand ennemi du genre humain : les Etats-Unis».

Ernesto Che Guevara

 

 

 

Il y a cinquante trois ans jour pour jour, Ernesto Che Guevara a été exécuté à la Higuera le

9 octobre 1967 par l'armée bolivienne encadrée par la CIA américaine. Pour l'impérialisme yankee, le Che était devenu l'homme à abattre. Non seulement il représentait un danger pour les intérêts de la bourgeoisie américaine parce que la révolution a triomphé à Cuba à moins de 150 km des Etats-Unis, mais aussi et surtout parce que son combat contre l'impérialisme était total, planétaire. Le Che a bien compris que l'impérialisme, stade suprême du capitalisme, était le véritable ennemi des peuples. Combattre l'impérialisme partout à travers le monde était pour lui «le plus sacré des devoirs» (1) .

 

 

Poussé par la recherche effrénée du profit, l'impérialisme en tant qu'instrument de pouvoir de la bourgeoisie, tente de soumettre par la violence les peuples des trois continents. Pour le Che, la richesse des pays impérialistes et leur niveau de vie élevé reposent sur l'exploitation des autres peuples de la planète. Leur misère est directement liée à l'hégémonie et à la domination impérialiste :

 

«Depuis que les capitaux monopolistes se sont emparés du monde, ils maintiennent dans la misère la plus grande partie de l'humanité et partagent tous les profits à l'intérieur du groupe des pays les plus puissants. Le niveau de vie de ces pays repose sur la misère des nôtres. Pour élever le niveau de vie des peuples sous-développés, il faut donc lutter contre l'impérialisme» (2) .

 

Cette domination planétaire de l'impérialisme exige donc une lutte et une résistance également planétaires :

 

«En définitive, disait le Che, il faut tenir compte du fait que l’impérialisme est un système mondial, stade suprême du capitalisme, et qu’il faut le battre dans un grand affrontement mondial. Le but stratégique de cette lutte doit être la destruction de l’impérialisme» (3).

 

L'impérialisme américain et sa puissance restent le danger principal de l'humanité, «le grand ennemi du genre humain » comme disait le Che. L'impérialisme pour lui ce sont d'abord les États-Unis :

 

«En envisageant la destruction de l’impérialisme, il convient d’identifier sa tête, qui n’est autre que les Etats-Unis d’Amérique (…) L’impérialisme américain est coupable d’agression : ses crimes sont immenses et s’étendent au monde entier». (4)

 

Que faire alors face à cet ennemi des peuples, puissant et violent ?

 

«Le rôle qui nous revient à nous, exploités et sous-développés du monde, c’est d’éliminer les bases de subsistance de l’impérialisme : nos pays opprimés, d’où ils tirent des capitaux, des matières premières, des techniciens et des ouvriers à bon marché et où ils exportent de nouveaux capitaux (des instruments de domination) des armes et toutes sortes d’articles, nous soumettant à une dépendance absolue. (…) Puisque les impérialistes, avec la menace de la guerre, exercent leur chantage sur l’Humanité, la réponse juste c’est de ne pas avoir peur de la guerre. Attaquer durement et sans interruption à chaque point de l’affrontement doit être la tactique générale des peuples.Cela veut dire une guerre longue. Et, nous le répétons une fois de plus, une guerre cruelle. Que personne ne se trompe au moment de la déclencher et que personne n’hésite à la déclencher par crainte des conséquences qu’elle peut entraîner pour son peuple. C’est presque la seule espérance de victoire» (5).

 

Ernesto Che Guevara était persuadé que la défaite de l'impérialisme passe nécessairement par le triomphe de la révolution mondiale. La victoire ne sera jamais complète tant que d'autres peuples restent soumis à la domination impérialiste. La révolution cubaine n'était pour lui qu'un tremplin pour d'autres bouleversements à travers la planète. L'internationalisme non seulement reste un devoir pour tout révolutionnaire, mais surtout une nécessité stratégique dans la lutte anti-impérialiste. Il faut donc partout étendre et généraliser les luttes et les fronts anti-impérialistes afin de forcer l'ennemi à éparpiller ses forces :

 

«Comme nous pourrions regarder l’avenir proche et lumineux, si deux, trois, plusieurs Vietnam fleurissaient sur la surface du globe, avec leur part de morts et d’immenses tragédies, avec leur héroïsme quotidien, avec leurs coups répétés assénés à l’impérialisme, avec pour celui ci l’obligation de disperser ses forces, sous les assauts de la haine croissante des peuples du monde !»

(6)

 

Mais le Che ne se contentait pas seulement de discourir et de théoriser la lutte contre l'impérialisme. Il a mené personnellement, les armes à la main, un combat héroïque contre l'impérialisme américain que ce soit dans la Sierra Maestra cubaine, dans le maquis congolais ou encore dans la forêt et les montagnes boliviennes. Il ne suffit pas «de souhaiter le succès à la victime de l’agression, mais de partager son sort, de l’accompagner dans la mort ou dans la victoire» (7).

La pratique et la théorie pour le Che étaient étroitement liées et tellement imbriquées l'une dans l'autre qu'elles ne forment qu'un tout inséparable. Son intégrité, sa sincérité et son honnêteté, de l'avis même de ses ennemis, étaient totales. Sa vie, brève mais intense, se confondait avec ses idées. Il a été jusqu'au bout de ses convictions révolutionnaires, «dans une révolution on triomphe ou on meurt (si elle est véritable)» (8). Le pouvoir, le prestige, les honneurs... ne l'ont jamais corrompu. Son mode de vie gênait et irritait tous les bureaucrates qui s'installent confortablement dans leurs nouveaux postes de commandement.

Dans son combat permanent contre l'impérialisme yankee, Ernesto Che Guevara n'a pas hésité à troquer son poste de ministre de l'industrie contre celui de guérillero dans les maquis congolais et bolivien; «d’autres terres du monde réclament le concours de mes modestes efforts» disait-il (9) . Pour sa famille, il n'a légué aucun bien matériel. A ses enfants, il ne leur a laissé qu'une lettre dans laquelle il leur conseillait «d'étudier beaucoup» mais avant tout, ajoute-t-il «soyez surtout capables de sentir, au plus profond de vous-mêmes, toute injustice commise contre quiconque en quelque partie du monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire» (10) .

 

Le Che pensait que «Chaque fois qu'un pays se détache de l'arbre impérialiste, ce n'est pas seulement une bataille partielle gagnée contre l'ennemi principal, c'est aussi une contribution à son affaiblissement réel et un pas de plus vers la victoire finale. Il n'est pas de frontières dans cette lutte à mort. Nous ne pouvons rester indifférents devant ce qui se passe ailleurs dans le monde, car toute victoire d'un pays sur l'impérialisme est une victoire pour nous ; de même que toute défaite d'une nation est une défaite pour nous» (11) .

C'est dans cet esprit qu'il faut situer l'engagement du Che au Congo et en Bolivie, même si d'autres considérations entrent en ligne de compte, comme ses critiques de plus en plus virulentes à l'égard des pays socialistes : «Les pays socialistes, écrit-il dans son discours d'Alger, ont le devoir moral de liquider leur complicité tacite avec les pays exploiteurs de l'Ouest» (12) . Mais pour lui le combat anti-impérialiste partout à travers le monde, le seul qui vaille, l'emporte sur toute autre considération.

Ernesto Che Guevara était convaincu que «la victoire au Congo montrera aux africains que la libération nationale ouvre la voie au socialisme ; une défaite ouvrira la voie au néo-colonialisme» (13) .

En juin 1960 le Congo, un pays immensément riche en minerais de toute sorte, obtient son indépendance et Patrice Lumumba est élu chef du gouvernement. «Cette indépendance du Congo, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle, nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang (…) L’indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain» déclarait Lumumba lors des cérémonies d'indépendance (14) .

Mais, Lumumba avant même de devenir premier ministre était déjà un farouche ennemi du colonialisme et de l'impérialisme. C'est lui qui disait «L’Afrique toute entière est irrésistiblement engagée dans une lutte sans merci contre le colonialisme et l’impérialisme» (15).

Contre l'amnésie historique, rappelons tout de même que «La Belgique était la puissance coloniale européenne la plus sanguinaire et répressive en Afrique. Les belges tant wallons que flamands avaient tués 10 à 12 millions de congolais» (16) .

Sentant leurs intérêts économiques et stratégiques menacés, le pouvoir colonial belge et l'impérialisme américain ont tout simplement décidé d'éliminer physiquement Patrice Lumumba par Tshombé et Mobutu interposés (17).

Après l'assassinat de Lumumba, dans des conditions atroces, d'autres hommes comme Pierre Mulele par exemple ont continué le combat anticolonialiste et anti-impérialiste du héros africain. Mais Mobutu avec l'aide notamment des américains et des belges a réussi à écraser la rébellion au prix de milliers de congolais loyalistes massacrés.

En décembre 1964, de la tribune des Nations Unies, Ernesto Che Guevara dénonce ce carnage et l'exploitation des pays pauvres par l'impérialisme :

 

«La philosophie du pillage, non seulement n'a pas cessé mais elle se maintient, plus forte que jamais; c'est pourquoi ceux-là mêmes qui ont utilisé le nom des Nations Unies pour assassiner Lumumba, assassinent aujourd'hui des milliers de Congolais, au nom de la défense de la race blanche».

Dans son discours du 30 novembre 1964, à l'occasion du 6ème anniversaire du soulèvement de Santiago de Cuba, le Che va encore plus loin dans sa dénonciation des crimes de l'impérialisme qui transforme les hommes en bêtes féroces et rend un vibrant hommage à Patrice Lumumba :

 

«(...) la bestialité de l'impérialisme, bestialité qui n'a pas de frontière précise et qui n'appartient pas à un pays déterminé. Les hordes hitlériennes se sont conduites comme des bêtes féroces, les américains d'aujourd'hui se conduisent comme des bêtes féroces, les parachutistes belges se conduisent comme des bêtes féroces, comme les impérialistes français en Algérie parce que il est dans la nature de l'impérialisme de transformer les hommes en bêtes, d'en faire des bêtes féroces assoiffées de sang qui sont disposées à égorger, assassiner, détruire jusqu'à la dernière image d'un révolutionnaire, d'un partisan d'un régime qui s'est retrouvé sous leur botte et qui lutte pour la liberté. Et la statue qui perpétue le souvenir de Lumumba - aujourd'hui détruite et reconstruite demain - nous rappelle aussi, avec l'histoire tragique de ce martyr de la Révolution mondiale, que l'on ne peut pas faire confiance à l'impérialisme, même pas un tout petit peu, en rien».

 

L’expérience congolaise était un échec. Le Che le dit lui-même sans détours : «Cette histoire est celle d’un échec» (18) . Ernesto Che Guevara ne se limitait pas à critiquer les autres. Il s'accusait lui-même. L'autocritique faisait partie intégrante de son caractère. N'est-ce pas lui qui disait à propos de l'étape congolaise «(...) nous avons échoué. Ma responsabilité est grande» ? (19) . Mais cet échec n'a pas entamé sa volonté de poursuivre son combat anti-impérialiste : « j’ai appris au Congo; il y a des erreurs que je ne ferai plus. Peut-être en répéterai-je d’autres, en commettrai-je de nouvelles aussi. J’en suis sorti avec plus de foi que jamais dans la guérilla» (20) .

Le voilà parti, une fois de plus, avec ses compagnons de différentes nationalités, allumer «deux, trois, plusieurs Viêt-nam» ailleurs qu'en Afrique. C'est «l'heure des brasiers et il ne faut voir que la lumière», cette phrase de José Marti, chère à Guevara, résume bien le nouveau combat anti-impérialiste que le Che veut livrer en Bolivie au cœur même du sous-continent américain. «L’Amérique, disait-il, constitue un ensemble plus ou moins homogène et dans presque tout son territoire les capitaux monopolistes américains maintiennent une primauté absolue. Les gouvernements fantoches, ou, dans le meilleur des cas, faibles et timorés, ne peuvent s’opposer aux ordres du maître yankee.(...) Par ailleurs, les bourgeoisies nationales ne sont plus du tout capables de s’opposer à l’impérialisme ( si elles l’ont jamais été) et elles forment maintenant son arrière-cour. Il n’y a plus d’autres changements à faire : ou révolution socialiste ou caricature de révolution» (21) .

Propager la guérilla révolutionnaire, ouvrir de nouveaux foyers pour affaiblir l'impérialisme yankee qui étouffe tous les peuples d'Amérique latine à commencer par le peuple cubain, voilà la nouvelle mission du Che en Bolivie. «Une nouvelle étape commence aujourd'hui» écrit-il dans la première page de son Journal de Bolivie. Il s'agit de réveiller par la guérilla les consciences endormies des peuples d'Amérique latine et les dresser contre leur ennemi commun, les Etat-Unis. Cette fois, il veut marcher sur les traces du grand libérateur Simon Bolivar.

A peine libérés de l'esclavage colonial espagnol et portugais, les peuples d'Amérique latine sont tombés dans une autre dépendance non moins féroce, celle de l'impérialisme nord-américain. Ce sont ces liens d'exploitation et d'oppression qui les maintiennent dans le sous développement et dans la misère que le Che a voulu, à sa manière, briser.

 

Mais cette «nouvelle étape», aussi désespérée qu'héroïque, sur son chemin de lutte contre l'impérialisme, était la dernière. Sa mort tragique et prématurée ne lui a pas laissé le temps d'aller jusqu'au bout de ses convictions libératrices. Le 9 octobre 1967, le grand Ernesto Che Guevara est mort sur le sol de cette Amérique latine où il a rencontré dans sa jeunesse tant de misères et de souffrances de ses ouvriers, de ses mineurs, de ses lépreux, de ses indigènes et de ses paysans. Mais le Che en tant qu'internationaliste disait «Qu’importe où nous surprendra la mort ; qu’elle soit la bienvenue pourvu que notre cri de guerre soit entendu, qu’une main se tende pour empoigner nos armes, et que d’autres hommes se lèvent pour entonner les chants funèbres dans le crépitement des mitrailleuses et des nouveaux cris de guerre et de victoire» (22).

 

Aujourd'hui l'impérialisme américain contre lequel s'est élevé le Che, les armes à la main, sème encore la terreur et la désolation à travers le monde. C'est lui qui menace d'attaquer le Venezuela et l'Iran comme il a attaqué hier l'Afghanistan, la Yougoslavie, l'Irak, la Libye, la Syrie, le Yémen etc.

L'impérialisme américain est toujours aussi déterminé que par le passé à détruire et à anéantir tout gouvernement, toute opposition et toute résistance qui menacent ses intérêts économiques et stratégiques. Il est la négation du Droit des nations à disposer d'elles-mêmes.

Aujourd'hui l'impérialisme américain dans sa forme guerrière est devenu un monstre dont les conséquences notamment pour les peuples du Sud ont atteint des dimensions épouvantables.

Aujourd'hui, les États-Unis sont dirigés par un président réactionnaire, misogyne et raciste. Ce président milliardaire vient de durcir encore l’embargo sur Cuba. Rappelons que les américains occupent toujours une parcelle du territoire cubain où ils ont installé la base militaire de Guantanamo qui leur sert, entre autres, de centre de... torture !

L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, demeure toujours comme le disait le Che l'ennemi de l'homme. Et le système qui méprise les hommes ne peut respecter la nature.

Le combat héroïque et parfois désespéré mené par le Che à son époque et dans d'autres conditions contre l'impérialisme américain, n'a jamais été aussi actuel qu'aujourd'hui. La résistance se poursuivra inévitablement, dans des conditions différentes, tant que la violence et l'oppression impérialistes existent.

 

Le Che est mort, mais son souvenir restera, pour celles et ceux qui luttent contre l'impérialisme et contre toutes les formes d'injustices, «enfoui tel un trésor dans la partie la plus profonde, la plus secrète et la plus riche de leur être, réchauffant leur courage, attisant leur énergie» (23).

 

Mohamed Belaali

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(1)«En los nuevos campos de batalla llevaré la fe que me inculcaste, el espíritu revolucionario de mi pueblo, la sensación de cumplir con el más sagrado de los deberes: luchar contra el imperialismo dondequiera que esté: esto reconforta y cura con creces cualquier desgarradura». discursos/1965/esp/f031065e.html ierno/http://www.cuba.cu/gob

(2)Discours d'Alger (24 février 1965) :

https://unitecommuniste.fr/wp-content/uploads/2017/04/alger.pdf

(3)https://www.marxists.org/francais/guevara/works/1967/00/tricontinentale.htm

(4)https://www.marxists.org/francais/guevara/works/1967/00/tricontinentale.htm

(5) https://www.marxists.org/francais/guevara/works/1967/00/tricontinentale.htm

(6)https://www.marxists.org/francais/guevara/works/1967/00/tricontinentale.htm

(7)Ibid.

(8)http://www.cuba.cu/gobierno/discursos/1965/esp/f031065e.html

(9) http://www.cuba.cu/gobierno/discursos/1965/esp/f031065e.html

(10)http://www.cubadebate.cu/especiales/2017/10/04/che-a-sus-hijos-su-padre-ha-sido-un-hombre-que-actua-como-piensa/#.XY25EUYzaUk

(11)https://unitecommuniste.fr/wpcontent/uploads/2017/04/alger.pdf

(12)Ibid.

(13)Pierre Kalfon « Che Ernesto Guevara, une légende du siècle » p.403.

(14)http://africultures.com/le-discours-dindependance-de-lumumba-9826/.

(15)[Exposé de Patrice Lumumba, Congrès pour la Liberté et la Culture», Université d'Ibadan. 22 mars 1959. Texte extrait du livre "La pensée politique de Patrice Lumumba" éditions Présence Africaine 1963 ] http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1447

(16)Tariq Ali dans « Les dilemmes de Lénine », page 186.

Voir aussi : https://information.tv5monde.com/afrique/Il-pleut-des-mains-sur-le-congo-lethnocide-colonial-belge-oublie

(17)https://www.jeuneafrique.com/105156/culture/assassinat-de-lumumba-2/

(18) « Passages de la guerre révolutionnaire : le Congo ».

(19)Ibid.

(20)Ibid.

Sur la Guérilla, voir « La guerre de guérilla » du Che, voir également le travail de MICHAEL LOWY https://www.persee.fr/docAsPDF/homso_0018-4306_1971_num_21_1_1443.pdf .

(21)Message à la Tricontinentale. Op. cit.

(22) Op.Cit.

(23)Ahmed Ben Bella premier président de l'Algérie indépendante. Le Monde diplomatique, octobre 1997.

 

 

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