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20 novembre 2016 7 20 /11 /novembre /2016 13:51

 

Donald Trump vient de remporter les élections présidentielles américaines. Il devient le 45 ème président des États-Unis. Cette victoire du richissime homme d'affaires n'est pas le fruit du hasard. Trump est un authentique produit de la démocratie bourgeoise. La République de Weimar la plus avancée de son temps a produit un monstre dont on dénonce encore aujourd'hui les crimes.

Trump devant le New York Stock Exchange

 

 Plus récemment, cette même démocratie a enfanté un certain George W Bush dont le monde subit toujours les terribles conséquences de son intervention militaire en Irak. Aujourd'hui elle donne naissance à Donald Trump, un personnage aussi médiocre et grotesque que dangereux. En se présentant comme l'homme providentiel, Trump a su capter les frustrations et le désespoir d'une partie de la population abandonnée par les démocrates et les mettre au service de la classe dominante dont il fait personnellement partie.

 

La longue campagne électorale menée par les deux candidats était marquée du début jusqu'à la fin par une suite ininterrompue d'invectives personnelles, de propos mensongers, démagogiques, racistes, sexistes et islamophobes pour mieux contenir la colère populaire et occulter la responsabilité de la classe dirigeante dans la situation de misère matérielle et morale que connaissent aujourd'hui de larges franges de la population américaine. Les mexicains, les noirs, les musulmans etc., ont largement remplacé, comme responsables de tous les malheurs des États-Unis, les banquiers, les hommes d'affaires, les industriels et autres spéculateurs et parasites. Les démocrates ont une grande responsabilité dans l'élection de Trump. Ce sont eux qui ont organisé une véritable confiscation des richesses produites par les travailleurs pour les mettre entre les mains des puissants.

 

L'histoire nous a toujours enseigné que durant les périodes troubles marquées par le chômage, les inégalités, les guerres sans fin etc., la classe dominante utilise, pour préserver ses intérêts, tous les moyens dont elle dispose. Les bourgeoisies américaines et européennes, nonobstant des situations différentes, n’arrivent plus à surmonter les crises à répétition de leur système. Il ne s’agit pas d’une crise conjoncturelle et passagère, mais bel et bien d’une crise structurelle dont les racines plongent jusqu’au cœur même du système. Les interventions massives des États, de la Commission européenne, des banques centrales, du Fonds monétaire international (FMI) etc. restent, pour l’instant, impuissantes face à l’ampleur du marasme économique. La croissance tant invoquée peut revenir mais pour mieux laisser place à d'autres crises plus violentes et plus générales. Les classes dirigeantes ressemblent de plus en plus à ces magiciens qui ne maîtrisent plus les forces maléfiques qu’ils ont eux-mêmes créées !

 

Le capitalisme se distingue des autres systèmes qui l'ont précédé par cette extraordinaire capacité d'adaptation à toutes les situations. Fascisme, nazisme etc. sont des mots qui désignent une seule et même réalité, la dictature du capital. Car tous ces mouvements politiques sont sortis des entrailles du capitalisme. A y regarder de plus près, ils sont tous nés dans un contexte de crises économiques et politiques majeures : guerre mondiale, révolution soviétique, déceptions de la petite bourgeoisie urbaine et rurale, marginalisation des plus démunis etc. Leur dénominateur commun reste le même : il faut que l'accumulation et la concentration des richesses restent, vaille que vaille, entre les mêmes mains.

 

Trump, véritable concentré des luttes sociales qui travaillent la société américaine, a puisé sa force essentiellement dans la faiblesse de la petite bourgeoisie écrasée par le grand capital et dans le désespoir d'une partie de la classe ouvrière blanche laminée par le chômage et la précarité. Pour les consoler et calmer leur rage et leurs frustrations, Trump leur offre, ente autres, le soutien de la race. Rappelons qu' aux États-Unis, le racisme a toujours été utilisé comme moyen au service du profit et de l'accumulation du capital. Dans le passé, le racisme a servi de justification et de légitimation de l'esclavage, main-d’œuvre servile et rentable. Car l'exploitation économique et l'oppression raciale vont de pair. Si l’esclavage a été aboli, du moins formellement, le racisme lui continue à se développer au grès des vicissitudes de l'évolution du capitalisme. Aujourd'hui, le racisme doit s’adapter à la nouvelle situation où le salarié a remplacé l'esclave. Le racisme est toujours utile pour la classe dominante ne serait-ce que pour entretenir et perpétuer, par son agitation et les préjugés raciaux qu’il propage, la division au sein de la classe ouvrière. Le travailleur noir lui doit subir, en plus de l'exploitation de classe, l'oppression de race (1). C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la volonté de Trump de construire des murs et des clôtures ainsi que sa rhétorique antimexicains, antinoirs et antimusulmans. Il s'est entouré également pendant sa campagne et en tant que nouveau président, de personnalités racistes comme Jeff Sessions ou Stephen Bannon proches des milieux suprimatistes défenseurs acharnés de la suprématie de la race blanche même si le racisme basé sur la supériorité biologique n’a aucune base scientifique.

 

Au pouvoir,Trump reviendra peut-être sur certaines de ses promesses sans grande importance pour la classe dominante, mais appliquera probablement toutes les mesures en faveur du capital comme la baisse des impôts des plus riches (la tranche la plus élevée passera de 39,6 à 33 %), la réduction de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (de 35 à 15 %), la dérégulation financière etc. A cet égard, l'équipe du nouveau président appelle déjà au démantèlement de la loi Dodd-Frank votée en 2010 après la crise dite des subprimes pour limiter un tant soit peu les excès des agissements bancaires.

Ce texte est «un fardeau énorme pour les banques (…) Nous devons nous en débarrasser» disait Trump. Il a même nommé pour cette mission Paul Atkins, un républicain qui milite depuis longtemps contre toute forme de régulation financière. Les marchés financiers ne se sont pas trompés. Wall street et toutes les bourses du monde ont réservé un accueil chaleureux au nouveau président. Le Dow Jones et le S&P 500 par exemple ont salué la victoire de Trump par des augmentations qu'ils n'ont pas connues depuis longtemps. Le rendement des obligations américaines à dix ans a lui aussi augmenté passant de 1,36 à 2,22 % (2). Bref, Trump n'est pas prêt à remettre en cause les intérêts et les privilèges de la classe dirigeante. Bien au contraire, il tentera, au-delà du discours, de les consolider.

 

Pour produire l’illusion du changement et donner l’impression de créer quelque chose de tout à fait nouveau, Trump doit travestir la réalité. Son langage, son style, ses outrances, son comportement et ses actes doivent faire oublier le gouvernement précédent. Trump et son équipe doivent se draper dans un déguisement nouveau pour que la différence avec l’ancien pouvoir paraisse éclatante. Ils ont besoin, pour se distinguer des démocrates, de jouer une nouvelle comédie sur la scène politique américaine. Mais il ne s’agit là que des formes et d’un déguisement qui reflètent plus ou moins nettement le fond commun : servir la même classe sociale, la bourgeoisie qui les place à tour de rôle à la tête de l’État.

 

Le capitalisme en crise a produit un nouveau monstre aux États-Unis et risque d'en produire d'autres à travers le monde. L'agressivité économique et politique de Trump et de son équipe montre si besoin est que la classe dirigeante américaine, pour sauvegarder et perpétuer ses privilèges, ne reculera devant aucun moyen y compris le plus terrible et le plus abjecte, la guerre. Trump représente un véritable danger non seulement pour le peuple américain mais pour le monde entier. Il est donc urgent de construire un mouvement de résistance planétaire contre Trump, tout en s'attaquant en même temps au système, le capitalisme qui a produit un tel monstre.

 

Mohamed Belaali

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(1)https://www.legrandsoir.info/peine-de-mort-violence-policiere-et-racisme-aux-etats-unis.html

(2)(Le Monde, Economie et Entreprise du 15 novembre 2016, page 3.

(3)http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/11/14/malgre-les-previsions-les-marches-financiers-se-portent-bien-apres-l-election-de-donald-trump_5031026_3234.html#xtor=AL-32280515

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1 novembre 2016 2 01 /11 /novembre /2016 16:26

 

L'image a fait le tour du monde : Mohcine Fikri jeune vendeur de poisson broyé par une benne à ordure pour avoir résisté à la destruction de sa marchandise son seul et unique «capital» qui lui permettait de survivre lui et sa famille. Cette image reflète la réalité de tous les prolétaires de ce pays broyés eux aussi non pas par les camions poubelle mais par l'exploitation, les humiliations, les injustices et par la misère. Des Mouhcine Fikri il y en a des millions et des millions au Maroc et dans tout le monde arabe. Cette image à elle seule représente et symbolise le drame que vit au jour le jour une grande partie du peuple marocain. Cette mort tragique est également l'expression d'un ras-le-bol, d'un refoulement par les masses opprimées de tant et tant d'injustices et d'humiliations depuis des décennies. Les ouvriers, les petits commerçants, les vendeurs de poissons, les plombiers, les peintres en bâtiment, les maçons, les carreleurs, les électriciens, les marchands ambulants de fruits et légumes, les vendeurs de toute sorte de marchandises étalées à même le sol, bref tous les opprimés de ce pays ne supportent désormais plus la «Hogra» qui est un sentiment encore plus fort que l'humiliation, c'est le fait de se sentir écrasé comme des insectes et traité comme des ordures. Les images et les photos du corps de Mouhcine Fikri broyé par une benne à ordure ont choqué tout un peuple qui n'a pas hésité à descendre immédiatement et massivement dans la rue pour manifester son indignation et sa colère. Aucun parti politique, aucune organisation ne sont derrière ce mouvement. Il s'agit d'une réaction spontanée et émotionnelle fruit de longues années d'humiliations, de souffrances accumulées et refoulées.

 

Les masses populaires savent par expérience que la plupart des partis politiques et les gouvernements ne sont que de vulgaires pantins dont le rôle essentiel est de rendre acceptable la vitrine faussement démocratique du régime. Les députés ne sont que des figurants qui jouent le spectacle de la démocratie sur la scène politique marocaine. Tous les pouvoirs sont entre les mains du roi, entouré de courtisans qui ne cherchent qu’à s’enrichir. Le gouvernement ne fait qu’exécuter les directives directement venues du Palais. Le parlement n’est qu’une chambre d’enregistrement de la volonté royale. Et ce n’est pas un hasard si à chaque manifestation, les marocains réclament la dissolution du parlement et la démission du gouvernement. Les collectivités territoriales sont strictement contrôlées par le ministère de l’intérieur, lui-même dépendant du Palais. Les résultats des élections sont déterminés d’avance et habilement répartis entre les partis politiques plus au moins soumis au pouvoir. Le jeu politique au Maroc est déterminé, organisé et contrôlé par le régime. La constitution de 1996 qui donne un pouvoir absolu au roi et consacre la sacralité de sa personne n’a pas été modifiée.

 

Les politiques économiques sont souvent décidées par les instances internationales comme la Banque mondiale et le FMI à Washington, loin des besoins et des préoccupations du peuple marocain. Ces politiques s’inscrivent dans une stratégie libérale globale : privatisation, vérité des prix, protection du capital privé local et étranger et extraversion poussée de l’économie marocaine basée sur des produits à faible valeur ajoutée. Il va sans dire que les effets traumatisants des plans d’ajustement structurel de ces mêmes institutions que le Maroc applique avec zèle sont supportés par les classes populaires. La paupérisation de l’immense majorité de la population reste la conséquence tangible de ces politiques. Déjà en juin 1981 et en janvier 1984, des révoltes populaires contre l’augmentation des prix des produits de base ( farine, pain, sucre, huile gaz etc.) ont secoué la plupart des villes marocaines faisant plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés.

L’échec de ces politiques économiques est aggravé par la généralisation de la corruption qui, à l’instar des métastases, se répand dans tout le corps social. Aucun secteur de la société n’est épargné. Elle est omniprésente. C’est une habitude que l’on accomplit au quotidien. Elle est érigée en véritable institution.

Seul l'éphémère Mouvement du 20 février en 2011 a porté haut et fort les revendications légitimes des masses populaires. Son grand mérite résidait dans son existence même. Il a réussi à raviver une lutte de classes que le pouvoir croyait révolue. Jamais l'histoire récente du Maroc n'a connu une période aussi riche et aussi chargée de luttes populaires intenses même si le combat contre le Makhzen ne date pas du 20 février 2011. Le Mouvement a libéré la vitalité et la créativité des masses opprimées qui ont fait preuve d'une grande maturité politique et organisationnelle. Dans la lutte, elles ont aussi appris à relever la tête et à se dresser contre leur ennemi de classe.

 

Le Mouvement du 20 février a été vaincu comme tous les soulèvements populaires dans le monde arabe (excepté en Tunisie). Mais il a redonné considération, dignité et espoir à toutes celles et ceux qui, hier encore, étaient sans espoir. Les manifestations pacifiques et massives qui ont accompagné la mort tragique de Mouhcine Fikri montrent que les «damnés de la terre» au Maroc ne supportent plus d'être traités comme des ordures. Elles montrent également que le chemin vers cette forme de vie supérieure sera long et sinueux.

 

Mohamed Belaali

 

 

 

 

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25 septembre 2016 7 25 /09 /septembre /2016 11:45

Les massacres de milliers de personnes se poursuivent inlassablement dans l'indifférence quasi-générale depuis l'intervention militaire saoudienne au Yémen en mars 2015. Les États-Unis, la France, le Royaume Uni, les armées du Golfe et les forces égyptiennes notamment participent directement ou indirectement à cette agression armée. «Tempête décisive», nom de cette équipée, est considérée par le Royaume Wahhabite comme une simple opération de maintien de l'ordre dans un pays voisin à l'appel de son président Abd Rabbo Mansour Hadi. Dans les faits, il s'agit d'une véritable guerre qui a fait en une seule année plusieurs milliers de morts principalement des civils et détruit une partie importante de l’héritage culturel et architectural yéménite qui est en même temps patrimoine mondial de l'humanité. Ici comme ailleurs, la religion (chiites contre sunnites) est instrumentalisée pour mieux dissimuler la réalité profane, économique et politique, qui constitue la véritable base de cette terrible guerre.

 

 

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) «depuis le début du conflit il y a un an, un peu moins de 9.000 personnes ont été tuées». Le dernier communiqué de l'ONU parle d'au moins 10 000 morts (1). Mais il y a aussi des morts qui ne sont pas comptés, des morts invisibles en quelque sorte faute de soins dans les hôpitaux ravagés et détruits par les bombardements saoudiens. Aucun lieu n'est épargné par les avions de la coalition : «Elle a frappé, ajoute la même source, des marchés, des hôpitaux, des cliniques, des écoles, des usines, des fêtes de mariage et des centaines de résidences privées dans les villages et les villes, y compris la capitale Sanaa» (2). L'Arabie Saoudite utilise au Yémen des armes fabriquées et vendues par les États-Unis qui sont extrêmement dangereuses pour les civils et interdites par des traités internationaux (3). Rappelons aussi que la France est l'un des pays qui vend le plus d'armes à l'Arabie Saoudite (4).

 

Mais les hommes ne sont pas les seuls à subir la violence de la coalition. Le patrimoine culturel du Yémen est lui aussi pris pour cible. Des zones entières inscrites pourtant au patrimoine mondial de l'humanité sont ravagées par des raids aériens de la coalition (5). Les vieux quartiers de Sanaa, capitale du Yémen et plusieurs fois millénaires, n'ont pas échappé à la violence destructrice des avions américains pilotés par des saoudiens. Désormais l'ancienne ville de Sanaa et Shibam sont classées par l'UNESCO comme patrimoine mondial en péril (6). Ces destructions de l'héritage culturel du peuple yéménite et patrimoine mondial de l'humanité ressemblent étrangement aux crimes perpétrés par l'armée américaine contre l'histoire et la mémoire d'un autre pays qui a vu naître sur son sol de brillantes et splendides civilisations, il s'agit de la Mésopotamie c'est à dire l'Irak d'aujourd'hui ou tout du moins ce qu'il en reste : «C’est sur cette terre que l’écriture et le calcul, entre autres, furent inventés. Mais la Mésopotamie c’est aussi Babylone et ses jardins suspendus (septième merveille du monde), Hammourabi et son code, Nabuchodonosor II et sa conception architecturale etc. etc.» (7). L'impérialisme et ses alliés locaux non seulement sont les ennemis des peuples mais aussi de leur culture, de leur histoire et de leur mémoire.

 

Pour l'Arabie Saoudite, le Yémen n'est que le prolongement de son propre territoire. Les affaires intérieures du Yémen sont les affaires intérieures de l'Arabie Saoudite. Le Yémen doit rester un pays totalement inféodé au royaume wahhabite. On rapporte que sur son lit de mort, l'émir Abdelaziz Ibn Saoud (1880-1953), fondateur de l'Arabie «moderne» avec l'aide des britanniques, disait que «le bonheur du Royaume est dans le malheur du Yémen». Ce racontar est probablement faux, mais il n'en demeure pas moins significatif et représentatif des relations complexes et conflictuelles entre les deux pays.

 

Précisons d'emblée que le Yémen est la seule république au milieu des monarchies pétrolières riches et puissantes. Le Yémen, appelé autrefois l'«Arabie heureuse» pour sa prospérité, est aujourd'hui l’un des pays les plus pauvres de la planète. Il est relégué, pour son Indicateur de Développement Humain (IDH), aux dernières places par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) (8). Mais le Yémen c’est aussi le détroit de Bāb al-Mandab (porte des lamentations en arabe) qui commande l’entrée à la mer Rouge et surtout le Golfe d’Aden qui sépare le continent africain du continent asiatique et constitue de ce fait une voie maritime importante pour les échanges mondiaux. Autant dire que le Yémen représente un intérêt stratégique évident pour l'Arabie Saoudite et bien sûr pour les États-Unis très présents dans la région à travers leurs bases militaires notamment. La position géostratégique et ses nombreuses potentialités ont toujours fait du Yémen un pays convoité par les puissances étrangères et déchiré par des conflits internes entre conservateurs et progressistes qui l'ont rendu instable et difficilement gouvernable. De ce fait le Yémen constitue aussi une source d'inquiétude et une menace non seulement pour le Royaume saoudien mais aussi pour les autres dynasties du Golfe qui redoutent que d'éventuelles révoltes politiques et des revendications démocratiques ne s'étendent à toute la région.

 

Sans remonter loin dans l'histoire, le premier conflit (1926-1934) entre le royaume wahhabite et le Yémen s'est soldé par l'annexion de trois provinces yéménites d'Assir, de Nejrane et de Jizane par l'Arabie Saoudite. Le Yémen n'a jamais renoncé à ses territoires conquis par son puissant voisin du nord. Il fallait attendre les accords de Djeddah de juin 2000 pour trouver un semblant de règlement à ce conflit frontalier (9).

En 1962 de jeunes officiers soutenus par Nasser renversent le roi Al-Badre et fondent la République Arabe du Yémen. L'Arabie Saoudite n'a reconnu la jeune république qu'en 1970. Elle ne pouvait supporter ni tolérer cette nouvelle situation d'autant plus que 70 000 soldats égyptiens étaient présents sur le sol yéménite et que Nasser non seulement dénonçait avec force et véhémence la dynastie des Al Saoud, fidèles serviteurs des intérêts anglais et américains dans la région (10), mais il prônait aussi un panarabisme progressiste et laïc. Royalistes soutenus par l'Arabie Saoudite et républicains armés par l’Égypte nassérienne se sont affrontés dans une terrible guerre civile. Progressistes et conservateurs ont ainsi mené une guerre ininterrompue pendant presque une décennie. La guerre a pris fin en 1970 sans réellement apaiser les tensions politiques mais la République a survécu mettant ainsi un terme définitif à un régime particulier vieux de plus de mille ans : l’imamat zaydite (11).

En 1967 le dernier soldat britannique quitte Aden et la République Populaire du Sud Yémen accède à l’indépendance mettant là encore fin à 128 ans d'occupation anglaise. En 1970, la République Populaire est devenue la République Démocratique Populaire du Yémen. Le Yémen est ainsi divisé en deux États antagonistes, l'un au nord l'autre au sud. Mais ces deux républiques sont unies par le même passé et aspirent toutes les deux à construire le même avenir. En mai 1990 les deux États fusionnent pour ne former qu'un seul, la République du Yémen dont le président est Ali Abdallah Saleh un homme aussi habile que cynique. Même si cette réunification est superficielle(en partie encouragée par l'Irak de Saddam Hussein et partage inéquitable du pouvoir entre le Nord et le Sud etc.), l'Arabie Saoudite ne pouvait accepter un Yémen uni. Dès septembre de la même année, l'Arabie Saoudite expulse 800 000 travailleurs yéménites sous prétexte que le Yémen soutient l'invasion irakienne du Koweït. Le Royaume wahhabite s'allie avec les dirigeants sudistes, pourtant se réclamant du marxisme, pour briser cette unité d'autant plus que l'on vient de découvrir des gisements pétroliers prometteurs dans le Sud. En mai 1994 une nouvelle guerre civile éclate entre le Nord et le Sud armé et financé par l'Arabie Saoudite. Ce conflit se termine par la victoire du Nord laissant derrière lui plus de 10 000 morts.

En 2011 les soulèvements populaires au Yémen comme dans tout le monde arabe contre les régimes d'un autre âge ont poussé l'Arabie Saoudite, avec l'aval des américains, à intervenir pour briser l'élan formidable des révoltes pacifiques du peuple yéménite dans toute sa diversité. Rappelons pour mémoire que ce soulèvement a réussi à renverser le président Ali Abdallah Saleh au pouvoir depuis 1978. Celui-ci s'est réfugié en Arabie Saoudite le lendemain du bombardement de son palais le 3 juin 2011 par le chef tribal Sadek al Ahmar. C’est également l’Arabie Saoudite qui a soigné dans ses hôpitaux le président gravement blessé et permis enfin son retour au Yémen le 23 septembre de la même année. Et c'est à Riyad que l'accord de transfert de pouvoir entre Saleh et son vice président Abd Rabbo Mansour Hadi a été signé en présence du Roi d'Arabie. Toujours en 2011, le peuple de Bahreïn s'est lui aussi soulevé contre la tyrannie des Al Khalifa au pouvoir depuis plus de trois siècles. La population unie a mené un magnifique combat pacifique contre le despotisme du régime en place. Prises de panique, toutes les monarchies du Golfe avec à leur tête l'Arabie Saoudite et soutenues par les États-Unis ont envahi le petit royaume. La place de la Perle, au cœur de Manama la capitale de Bahreïn et haut lieu de la révolte populaire, a été évacuée dans le sang le 16 mars 2011. Le monument de la Place a été détruit et remplacé par les chars de l'armée saoudienne (12). Aujourd'hui encore, malgré une terrible répression, le peuple de Bahreïn résiste toujours à l'oppression dans l'indifférence absolue des bourgeoisies occidentales.

 

L'écrasement de ces soulèvements populaires par la contre-révolution incarnée par l'Arabie Saoudite avec la complicité de l'impérialisme américain a créé les conditions matérielles propices au développement de l'obscurantisme, du terrorisme et de la guerre civile. C'est dans ce cadre qu'il faut situer la nouvelle guerre du Royaume wahhabite au Yémen.

 

Le triomphe de la contre-révolution a ravivé dans ce pays martyr des divisions sectaires et des rivalités tribales plus ou moins contenues jusqu'alors. Les Houthis (Al-hûthiyûn en arabe), mouvement politique de confession zaydite, un rameau du chiisme, ont toujours été marginalisés sur le plan économique, politique et religieux par Ali Abdallah Saleh. S'estimant stigmatisés et méprisés, les Houthis ont opposé une farouche résistance au pouvoir central notamment depuis la guerre de Saada en 2004 (13). Rappelons que l'ex-président Ali Abdallah Saleh a toujours instrumentalisé la religion par la confessionnalisation des conflits sociaux et politiques pour se maintenir au pouvoir.

 

Profitant du chaos qui règne au Yémen depuis l'écrasement des révoltes populaires, les Houthis s'emparent de Sanaa et obligent le président Abd Rabbo Mansour Hadi, installé au pouvoir par l'Arabie Saoudite, à démissionner mettant de facto un terme à l'accord de Riyad dont ils étaient exclus. L'Arabie et les monarchies du Golfe ne peuvent tolérer l'installation à Sanaa d'un pouvoir qu'elles accusent d'être à la solde de l'Iran. Dans la nuit du mercredi à jeudi 26 mars 2015, l'Arabie Saoudite intervient, une fois encore, au Yémen. Les Houthis sont alors décrits comme des chiites zaydites instrumentalisés par l'Iran contre les gouvernements sunnites chaféites de la région. Les houthis alliés, ironie du sort, à leur ancien ennemi de toujours Ali Abdallah Saleh, sont ainsi réduits à un simple instrument entre les mains de l'Iran. Cette manière de simplifier une réalité particulièrement complexe a été également utilisée à Bahreïn par le Royaume wahhabite pour justifier son intervention militaire dans ce petit pays et mater «ces chiites manipulés par l'Iran ». Dans cette région du monde, l'Arabie Saoudite joue le rôle de rempart contre tout changement démocratique et progressiste.

 

 

Le Royaume wahhabite se saisit ainsi de la religion pour mieux étendre son influence et sa puissance dans la région. La religion doit être au service des ambitions politiques et des intérêts économiques. L'Islam est ainsi utilisé comme couverture et comme idéologie de légitimation pour, en dernière analyse, perpétuer le pouvoir et les privilèges de la dynastie des Al Saoud.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=36847#.V02rspGLSUk

Fin août 2016, les Nations Unies ont revu à la hausse le nombre des victimes :

http://www.aljazeera.com/news/2016/08/10000-killed-yemen-conflict-160830173324902.html

(2)op.cit .

(3)https://www.hrw.org/fr/news/2016/05/06/yemen-recours-par-larabie-saoudite-des-armes-sous-munitions-de-fabrication

(4)https://www.mediapart.fr/journal/international/240416/ventes-darmes-lobsession-saoudienne-de-la-france

voir aussi :

http://controlarms.org/fr/2016/02/26/les-etats-doivent-cesser-de-vendre-a-larabie-saoudite-des-armes-destinees-a-etre-utilisees-dans-le-cadre-du-conflit-au-yemen/

(5)http://www.lorientlejour.com/article/940026/operation-detruire-lheritage-culturel-du-moyen-orient-.html

La ville Saada, fief des Houthis, a été déclarée cible militaire par le porte parole de la coalition.

Voir Targiting Saada :

https://www.hrw.org/report/2015/06/30/targeting-saada/unlawful-coalition-airstrikes-saada-city-yemen

(6)http://fr.unesco.org/news/vieille-ville-sana-ancienne-ville-shibam-son-mur-enceinte-yemen-ajoutees-liste-du-patrimoine

(7)http://www.belaali.com/article-les-ravages-de-la-guerre-imperialiste-en-irak-48981793.html

(8)http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr_2015_statistical_annex.pdf

(9)https://www.senat.fr/ga/ga35/ga35_mono.html

(10)https://www.youtube.com/watch?v=voUNkFuhg1E

(11)https://transcontinentales.revues.org/411

(12)http://www.belaali.com/article-l-intervention-saoudienne-a-bahrein-et-le-silence-complice-des-bourgeoisies-occidentales-69874090.html

Voir également «Répression et résistance à Bahreïn»:

http://www.legrandsoir.info/Repression-et-resistance-a-Bahrein.html

(13)https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2010-3-page-137.htm#no274

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3 septembre 2016 6 03 /09 /septembre /2016 09:04

Ce texte a été écrit en janvier 2012. Bien qu'il soit dépassé sur certains points, il reste quant au fond dramatiquement actuel. Depuis cette date, de nombreuses victimes des violences policières sont venues allonger une liste déjà trop longue (1). Adama Traoré, jeune homme de 24 printemps, mort comme beaucoup d'autres lors de son interpellation ne sera, malheureusement, pas le dernier à mourir entre les mains de la police.

 

L’État français, surtout depuis l'instauration de l'état d'urgence et la montée de l'islamophobie (l'interdiction du burkini est un exemple parmi tant d'autres) (2), est loin de vouloir arrêter ces assassinats. Rien que depuis janvier 2016 huit personnes sont déjà mortes suite à une action des forces de l'ordre (3). Car la mission essentielle de la police est le maintien de l'ordre politique établi et non la sécurité publique. L’État n'est pas au-dessus des classes, il en est même le produit. La police, entre autres, est le bras armé de l’État qui permet à une classe de réprimer une autre. La répression exercée sur les jeunes des cités populaires et sur le mouvement social dans sa globalité montre bien que le rôle confié par la bourgeoisie à la police est de briser toute contestation, toute résistance à l'ordre établi aussi minime soit-elle. Ce mépris de la vie des jeunes des cités populaires par l’État risque de produire à son tour une autre haine en poussant une minorité d'entre-eux dans les bras du terrorisme. la situation faite aux enfants des travailleurs immigrés par la classe dominante est insupportable. Parqués dans des ghettos entourant les grandes métropoles industrielles, ils subissent plus que les autres catégories de la population toute sorte de violence, d’humiliation, de rejet et de mépris (4). Contre les humiliations accumulées, le racisme et l'islamophobie, le djihad peut être vécu, par une petite minorité, comme une revanche violente contre une République qui les a vus naître sur son sol, mais qui les a rejetés. Pour les jeunes des banlieues la lutte contre toute sorte de brimades et de brutalités est un combat quotidien. Ils affrontent constamment un système judiciaire qui les condamne promptement et injustement à de lourdes peines de prison et une police dont la violence les conduit souvent à la mort. Mais le combat des enfants et petits enfants des travailleurs immigrés ne suffit pas à les libérer des griffes du capital. Ils doivent lutter main dans la main avec tous les travailleurs et tous les progressistes pour améliorer leurs conditions quotidiennes d'existence et mener ensemble un combat d'envergure contre leur ennemi commun source de leur division et de leur oppression.
Mohamed Belaali
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Voir également :
Voir également :
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http://www.belaali.com/article-crimes-ordinaires-de-l-etat-fran-ais-98240680.html

 

 

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27 août 2016 6 27 /08 /août /2016 13:28
Burkini, islamophobie et fascisation des esprits

Quatre policiers armés forcent une femme musulmane à se dévêtir en public sur une plage de Nice parce qu’elle porte un foulard et une tunique à manches longues. Car dans la France d'aujourd'hui «l’accès aux plages et à la baignade est interdit à toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades» (1). Ces arrêtés municipaux qui fleurissent un peu partout sont confortés par les tribunaux administratifs et soutenus par le premier ministre Manuel Vals, « Je soutiens ceux qui ont pris des arrêtés, s’ils sont motivés par la volonté d’encourager le vivre ensemble» (2). Pour Laurence Rossignol, ministre des droits des femmes, le burkini doit être combattu sans arrières pensées politiques : «Pour combattre cet archaïsme, il faut des personnalités politiques de sang-froid, et sans arrière-pensée» (3). JP Chevènement, qui va probablement présider la Fondation pour les œuvres de l'Islam, après avoir traité les jeunes des cités populaires de sauvageons, demande aujourd'hui aux musulmans de France d'être discrets : «Le conseil que je donne dans cette période difficile est celui de discrétion» (4). François Hollande offre ainsi la présidence de cette fondation à un homme qui méprise les musulmans ! Et on va taire par pudeur toutes les déclarations répugnantes de nombreuses autres personnalités et des racistes déguisés en laïcs. Heureusement que le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative, a suspendu l'arrêté «anti-burkini» pris le 5 août dernier par le maire de Villeneuve-Loubet. Mais le premier ministre et les maires qui ont signé ces arrêtés s'entêtent et continuent leur croisade contre les femmes musulmanes à travers le burkini.

Pour les hommes et les femmes politiques, le vivre ensemble et la discrétion signifient certainement exclure une partie de la population notamment la fraction la plus vulnérable, les femmes musulmanes. Elles doivent être, au nom de la laïcité et de la libération des femmes, pourchassées, humiliées, stigmatisées et livrées à la vindicte populaire. Attroupements, insultes, brimades accompagnent les verbalisations : «Rentrez chez vous ! Madame, la loi c’est la loi, on en a marre de ces histoires, ici, on est catholiques !» (5) .

Mais derrière toute cette agitation et cette excitation se cache une réalité que la classe dominante tente d'occulter. En temps de crise économique, la bourgeoisie a toujours besoin d'inventer, de fabriquer des boucs émissaires. Les musulmans remplacent aujourd'hui en quelque sorte, dans des conditions très différentes et toute proportion gardée, les juifs d'hier. La brutalité, la haine, le racisme, la misogynie, la xénophobie, l'islamophobie etc. sont des éléments essentiels que la classe dominante instrumentalise pour maintenir, vaille que vaille, l’accumulation et la concentration de la richesse entre les mêmes mains. Il ne s'agit pas d'un problème religieux ou ethnique, mais d'un problème social et politique. La bourgeoisie n'attaque pas l'Islam en tant que tel, mais l'utilise comme elle utilise le terrorisme, qu' elle a par ailleurs largement contribué à créer, pour mieux masquer sa propre responsabilité et celle de son système en général dans la situation économique et sociale désastreuse dans laquelle se trouve la France aujourd'hui. Il suffit de voir les relations privilégiées qu'entretient la bourgeoisie française avec des pays comme l'Arabie Saoudite pour s'en convaincre. Rappelons que ce pays a une vision ultra-dogmatique, rétrograde et violente de l'Islam (le Wahhabisme) et où les droits des femmes sont tout simplement inexistants (6).

Cette manipulation des esprits permet également à la classe dominante de détourner la colère des travailleurs et des masses populaires des vrais combats et des vrais problèmes : chômage de masse, précarité, démantèlement du droit du travail, destruction des services publics, suppression progressive des prestations sociales etc. Et comme disait Lénine «La bourgeoisie réactionnaire s'est partout appliquée, à attiser les haines religieuses, pour attirer dans cette direction l'attention des masses et les détourner des questions politiques et économiques véritablement importantes et capitales» (7). En montrant du doigt non pas le capitalisme évidemment qui est en train de détruire l'homme et la nature mais les musulmans, la bourgeoisie déforme la réalité, la travestit. Elle se présente tel un prestidigitateur habile attirant l'attention de la population par un tour extraordinaire sur le burkini, le voile, les jupes longues, la viande hallal, le menu de substitution dans les cantines scolaires etc. pour mieux dissimuler ses véritables objectifs, perpétuer ses privilèges. La rhétorique anti-islamique se substitue par ailleurs largement au vide des programmes des gouvernements successifs et de la plupart des partis politiques fidèles serviteurs des puissants.

Une partie de la population, malheureusement de plus en plus importante, éduquée et élevée dans la haine de «l'Autre » succombe facilement à ce discours démagogique. Apeurée et traumatisée par des décennies d'austérité, elle se jette dans les bras d’un pouvoir qu’elle croit protecteur notamment en période de crise économique. Il faut dire qu' à longueur d'année et surtout en période électorale on lui ressasse inlassablement, à travers les médias, les mêmes mots et les mêmes images : Islamophobie, Immigration, Insécurité, Terrorisme, Identité nationale, Réfugiés … Ces thèmes creux seront probablement les questions centrales de la campagne électorale pour la prochaine présidentielle.

Aujourd'hui, le capitalisme en crise produit et continuera à produire des «valeurs» de haine, de xénophobie, d’islamophobie etc. C'est à ce système qu'il faut s'attaquer et à la classe qui le porte et non aux femmes, aux travailleurs immigrés, aux réfugiés quelque soit leur confession.

Mohamed Belaali

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(1)http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/08/11/le-maire-de-cannes-interdit-les-vetements-religieux-a-la-plage_4981587_3224.html

(2)http://www.laprovence.com/article/politique/4078328/valls-sur-le-burkini-une-vision-archaique-de-la-place-de-la-femme-dans-lespace-public.html

(3)http://www.europe1.fr/politique/laurence-rossignol-denonce-le-burkini-profondement-archaique-2820898#xtor=CS1-16

(4)http://www.leparisien.fr/politique/je-ne-me-deroberai-pas-15-08-2016-6041519.php

(5)http://www.francetvinfo.fr/societe/religion/laicite/polemique-sur-le-burkini/une-femme-verbalisee-sur-une-plage-de-cannes-parce-qu-elle-portait-un-voile_1766809.html

(6)http://www.belaali.com/article-arabie-saoudite-le-silence-complice-des-bourgeoisies-occidentales-sur-les-revoltes-populaires-109557989.html

(7) Socialisme et religion, « Novaïa Jizn » n° 28, 3 décembre 1905.

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27 juin 2016 1 27 /06 /juin /2016 18:33
Brexit :  «Quittons cette Europe dont les tares ont atteint des dimensions effrayantes»

Quel plaisir de voir les chiens de garde du capital (médias, Banque centrale européenne, FMI, Banque mondiale, Commission européenne etc. etc.) aboyer et se lamenter à longueur de jour et de nuit depuis ce fameux vendredi 24 juin 2016. Le peuple anglais vient de leur infliger une sacrée raclée. Ils sont furieux et inconsolables. Quel pitoyable spectacle donnent-ils lorsque leurs intérêts de classe sont menacés. Autour d'eux, tout n'est qu'agitation et affolement. Le choix de ces vilains britanniques «est un véritable big bang contraire à l’avis de presque tous les experts, à la raison économique et au souhait des autres Européens. L’incroyable s’est produit. Les Britanniques veulent quitter l’Union européenne (UE)» (1). La valeur de la livre sterling chute, le Royaume-Uni perd son triple A, les marchés financiers sont désorientés, les bourses dégringolent, les actions des banques et des compagnies d'assurance s'effondrent. La panique s'est emparée de la City. Les traders ne dorment plus. «Le quartier d'affaires londonien est groggy, choqué, anéanti, après les résultats du vote qui scellent la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne» (2). La Banque d'Angleterre va injecter des milliards de livres pour consoler les marchés financiers. La Banque centrale suisse va elle aussi intervenir sur les marchés de change pour stabiliser le franc suisse. L'Association bancaire internationale demande aux responsables politiques de clarifier la situation.

Les journalistes, les experts, les politologues et les sociologues déferlent sur les plateaux de télévision exprimant sans retenue leur haine et leur mépris pour la volonté du peuple anglais. Pour tout ce beau monde, l'avenir du Royaume-Unis est sombre. « Tout cela va avoir de sales conséquences» (3), «les agriculteurs britanniques devront dire adieu à une enveloppe de 4 milliards d'euros d'aide» (4); bref en dehors de l'Union européenne point de salut !

Les hommes politiques regrettent une décision douloureuse car «les Britanniques par référendum ont décidé de quitter l’Union européenne. C’est un choix douloureux et je le regrette profondément» déclarait François Hollande (5). Jean-Claude Junker président de la Commission européenne, Martin Schulz président du parlement européen, Donald Tusk président du Conseil européen, eux aussi, regrettent cette décision douloureuse (6). Ils savent qu'il leur sera difficile, pour l'instant, de faire voter à nouveau les anglais comme ils l'ont fait dans le passé avec les autres peuples. Mais ils peuvent très bien bloquer le processus de sortie.Tant que les mécanismes de l'article 50 du traité de Lisbonne ne sont pas enclenchés, le Royaume-Uni reste membre de l'Union. Précisons que ce fameux article 50 est rédigé de manière telle que toute sortie volontaire d'un État membre devient difficile. Ainsi tout est fait pour que la volonté des peuples qui désirent quitter l'Union européenne soit contournée ou ignorée. Toute l'histoire de l'Union n'est que mépris et trahison des volontés des peuples. «Les Irlandais devront revoter» déclarait avec force Nicolas Sarkozy le 15 juillet 2008 après le rejet par le peuple irlandais du Traité de Lisbonne qui reprenait l’essentiel d’un autre traité rejeté lui aussi par les français et les néerlandais en 2005. On consulte les peuples non pas pour qu'ils expriment leur propre volonté mais celle des gouvernements. La démocratie bourgeoise n'est qu'un concept creux sans contenu réel. Les gouvernements sont là pour servir les intérêts de la classe qu'ils représentent. Les classes dominantes l'utilisent comme instrument idéologique au service exclusif de leurs intérêts. L'Union européenne et toutes les institutions qui gravitent autour d'elle sont un exemple éloquent de ce déni de démocratie. L'Union européenne a systématiquement rejeté avec force et mépris la volonté des peuples exprimée démocratiquement à plusieurs reprises. Les peuples danois, français, néerlandais et irlandais ont rejeté par référendum le traité de Maastricht, le projet de traité constitutionnel et le traité de Lisbonne en 1992, en 2005 et en 2008. Mais cette volonté populaire a tout simplement été ignorée. Sa réaction épidermique et agressive contre les résultats du référendum du 5 juillet 2015, où le peuple grec a rejeté par une majorité écrasante (61,31 %) les nouvelles mesures d'austérité, montre combien il lui est insupportable d’accepter le moindre processus permettant aux peuples de s'exprimer. Tous les référendums ont été perdus par l'Union européenne. Dès qu'elle donne la parole aux peuples, la réponse est invariablement la même : NON!

Bertolt Brecht disait dans un de ses poèmes :

«(…)Le peuple, par sa faute, a perdu
La confiance du gouvernement

E ce n’est qu’en travaillant doublement
Qu’il pourra la regagner.
Ne serait-il pas plus simple
Pour le gouvernement
De dissoudre le peuple
Et d’en élire un
autre ?» (7)

L'Union invoque le rôle des partis racistes et xénophobes dans le triomphe du « out » britannique. Belle manière pour occulter sa propre responsabilité dans cette débâcle. Elle oublie un peu vite que ces courants politiques sont, non seulement au Royaume-Uni, mais dans toute l'Union européenne ses propre créatures. Impuissantes à surmonter les crises à répétition du capitalisme, les bourgeoisies européennes ont instrumentalisé ces forces du passé, qui veulent faire tourner la roue de l'histoire en arrière, pour maintenir vaille que vaille l’accumulation et la concentration de la richesse entre les mêmes mains. Démagogie, racisme, xénophobie, islamophobie et identité nationale sont les ingrédients essentiels utilisés par les classes dominantes pour mieux détourner les classes populaires des vrais problèmes qui les rongent au quotidien : chômage de masse, précarité, destruction des services publics, suppression progressive des libertés privées et publiques etc. Ces thèses nauséabondes remplacent en quelque sorte le vide des programmes des gouvernements et des partis qui les soutiennent. Leur fuite en avant dans les politiques ultra-libérales d’austérité ne fera qu’aggraver la situation économique et sociale d’une Europe déjà ravagée par le chômage et la pauvreté. L'Union européenne ressemble à ces magiciens qui ne maîtrisent plus les forces maléfiques qu’ils ont eux mêmes créées !

L'Union européenne et toutes ses institutions ne sont pas réformables. Les politiques économiques, dont l'austérité n'est qu'une dimension parmi d'autres, sont intimement liées à la nature de classe de l'Union. Les intérêts des oppresseurs et ceux des opprimés sont irrémédiablement antagonistes. C'est une illusion de croire que l'Europe, telle qu'elle est construite, va se métamorphoser par on ne sait quel miracle en une Europe démocratique, sociale, solidaire, écologique et tutti quanti. Cette idée de vouloir réformer l'Europe de l'intérieur est non seulement erronée mais dangereuse. Rester dans l'Union et la zone euro pour les réformer de l'intérieur ne peut que prolonger encore la souffrance que connaissent aujourd'hui des millions de travailleurs européens et consolider un peu plus la dictature du capital. Il faut donc rompre définitivement avec cette hideuse Europe qui a transformé les travailleurs en véritables esclaves travaillant sans relâche sous les ordres des créanciers, spéculateurs, usuriers et autres parasites du monde entier.

Il faut se saisir du «Brexit» comme d'une opportunité pour mobiliser les travailleurs et les progressistes de toute l'Europe afin de commencer l'édification d'une autre Europe, celle du progrès, de la prospérité et de la paix entre les peuples. Il faut briser cette construction méprisante et arrogante qui nous condamne à l'austérité perpétuelle. Il faut quitter cette Europe dont les tares ont atteint des dimensions effrayantes. Il est urgent de changer de bord, de sortir au plus vite de cette longue nuit et marcher vers un jour nouveau, vers une Europe nouvelle.

Mohamed Belaali

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(1)http://www.courrierinternational.com/article/vu-dallemagne-brexit-un-desastre-pour-angela-merkel

(2)http://tempsreel.nouvelobs.com/brexit/20160624.OBS3292/un-suicide-economique-apres-le-brexit-la-city-se-reveille-en-panique.html

(3)http://www.liberation.fr/planete/2016/06/24/brexit-tout-cela-va-avoir-de-sales-consequences_1461959

(4)http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/06/25/20002-20160625ARTFIG00015-sept-consequences-economiques-a-retenir-sur-le-brexit.php

(5)http://www.elysee.fr/declarations/article/declaration-a-la-suite-du-referendum-britannique/

(6)http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-16-2329_fr.htm

(7) Bertolt Brecht «La solution».

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27 mai 2016 5 27 /05 /mai /2016 17:29
Le véritable scandale, c'est le capitalisme

«Le gouvernement moderne n'est qu'un comité qui gère les affaires communes

de la classe bourgeoise toute entière».

K. Marx

F. Engels

«Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux».

Étienne de La Boétie

Le scandale des «Panama papers» qui vient d'éclater à la face du monde n'est que l'arbre qui cache la jungle capitaliste. Fraudes fiscales, blanchiment d'argent noir, sociétés écrans, détournement de fonds, paradis fiscaux, corruption généralisée etc. montrent à la fois le degré de pourriture atteint par ce système et la décadence morale des sociétés capitalistes.

La collusion quasi organique du monde politique avec celui des affaires est une caractéristique fondamentale du capitalisme. Leurs liens sont tellement intimes qu'il devient difficile de les distinguer. Les hommes politiques et le milieu des affaires voire parfois le milieu tout court se nourrissent les uns des autres. Les premiers gèrent et couvrent les affaires des seconds. Dans ces scandales à répétition, on trouve à côté des grandes entreprises, des banques, des institutions sportives, des célébrités, des milliardaires, des rois, des chefs d'Etat, des premiers ministres, des ministres et bien d'autres responsables politiques. Toute cette classe de fraudeurs, pur produit du système, s'acharne par tous les moyens à piller les richesses produites par les travailleurs dont elle ne voit en eux que des êtres méprisés et méprisables.

Le capitalisme mondialisé a généralisé et universalisé la corruption et les scandales. Il a multiplié les montages financiers frauduleux, les paradis fiscaux et judiciaires, les trusts (fiducies), les fondations etc. Aucun domaine de la vie économique, politique, sportive et artistique n'échappe à la corruption et aux manipulations frauduleuses en tout genre. Les sommes astronomiques concernées sont difficilement imaginables par les citoyens (1). La corruption, les affaires, la fraude fiscale et les détournements des fonds publics sont des phénomènes intrinsèques au capitalisme qui les produit sans cesse.

Le pouvoir politique encourage le système, lui offre des opportunités à travers des politiques de dérégulation, de privatisation et par l'absence totale de sanctions. Il l'incite à poursuivre sur la voie des pratiques frauduleuses, de l'escroquerie et de la criminalité financière. Les gouvernements ne sont là que pour servir les intérêts de cette classe ou plus précisément cette couche de parasites qui ne produit aucune richesse et ne vit que des dividendes, des intérêts, des commissions, de la spéculation, bref de l'argent produit lui même par de l'argent. «Le propre du capitalisme, écrivait Lénine, est de séparer la propriété du capital de son application à la production, de séparer le rentier, qui ne vit que du revenu qu'il tire du capital-argent. La suprématie du capital financier sur toutes les formes du capital signifie l'hégénmonie du rentier et de l'oligarchie financière» (2).

C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre les agissements du pouvoir politique totalement soumis à cette oligarchie financière. Le gouvernement français par exemple, a retiré en 2012 le Panama de la liste noire des paradis fiscaux. La Société Générale, le Crédit Agricole, la BNP Paribas et le Crédit mutuel sont parmi les plus gros clients de Mossack Fonseca. Toutes sont impliquées, à travers des centaines de filiales, dans le blanchissement d'argent sale et la fraude fiscale (3). Comme réponse à ces scandales, le ministre des finances et des comptes publics s'est contenté de publier un simple communiqué d'une platitude affligeante « il ne serait pas tolérable que des banques puissent permettre des opérations de fraude, d’évasion fiscale ou de blanchiment» (4). Pourtant le gouvernement français savait depuis longtemps que les grandes banques françaises utilisaient des structures offshore, par centaines, spécialisées dans la criminalité financière et que les dirigeants de ces banques n'avaient jamais été inquiétés. A chaque nouveau scandale, les hommes politiques feignent l'indignation et promettent de mettre un terme à l'évasion fiscale et de châtier sévèrement les responsables fraudeurs : «Il n’y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini» proclamait avec force Nicolas Sarkozy en 2009. La commission des finances du Sénat qui a auditionné le11 mai 2016 Frédéric Oudéa, patron de la Société Générale, ne trouvait aucune raison valable de poursuivre le dirigeant de la banque !

Le gouvernement britannique dirigé par David Cameron a organisé le 12 mai 2016 à Londres un sommet international pour lutter contre la corruption ! Rappelons tout de même que sur les 214 488 sociétés offshore administrées par le cabinet panaméen Mossack Fonseca, plus de la moitié sont domiciliées dans les îles britanniques. David Cameron lui-même ainsi que sa famille sont impliqués dans le scandale des fraudes fiscales des Panama papers. Le premier ministre britannique a tenté dans un premier temps de nier l'évidence en affirmant qu' il ne possédait «aucune action, aucun trust offshore, aucun fonds offshore, rien de tout cela» (5), avant de tout avouer.

Les vingt gouvernements les plus riches de la planète (groupe G20) qui représentent l'essentiel des richesses produites dans le monde, se sont réunis à Londres en avril 2009, à Saint-Pétersbourg en septembre 2013, se sont engagés fermement à lutter contre les paradis fiscaux et le secret bancaire. Force est de constater que la criminalité financière sous toutes ses formes n'a jamais été aussi florissante qu'aujourd'hui.

Les Etats-Unis qui dénoncent la criminalité financière et les privilèges exorbitants accordés à leurs multinationales à travers le monde, abritent eux-mêmes sur leur propre territoire des paradis fiscaux considérés comme les plus opaques (6) et les plus favorables aux grandes entreprises et aux milliardaires du monde entier. Le Dakota du Sud, le Nevada, leWyoming mais surtout le Delawar sont de véritables édens fiscaux sur terre. Même Donald Trump et Hillary Clinton, favoris des primaires, y possèdent des sociétés à côté d'Apple, d'American Airlines, de Coca-Cola et de biens d'autres multinationales (7). La fusion ici entre le pouvoir économique et le pouvoir politique est totale.

Invoquer, dans le cadre du capitalisme, la morale, l'éthique, la bonne volonté, la bonne gouvernance est une véritable chimère. Mobiliser les pouvoirs économiques et politiques nationaux et internationaux contre les scandales financiers est une hypocrisie pour ne pas dire une absurdité. Ces pouvoirs sont eux-mêmes les organisateurs et les bénéficiaires. Rien ne sert de gémir sur les scandales financiers, tant qu'on laisse dans l'ombre les racines qui les produisent. Ces gérémiades ne font que perpétuer un système qui se nourrit et se développe de ces scandales.

On peut adopter les lois que l’on veut contre la corruption, les affaires et les privilèges, contre le secret bancaire et la fraude fiscale, mener toutes les enquêtes possibles, on peut même diminuer et limiter leur importance, mais on ne peut pas les éliminer. Car leur existence et celle du capitalisme sont tellement imbriquées l’une dans l’autre que l’on ne peut supprimer l’une sans éliminer l’autre. Les lois et les mesures prises pour lutter contre les scandales en tout genre ne sont que des paravents derrière lesquels la bourgeoisie sous toutes ses formes dissimule ses forfaits. Le problème n’est donc pas l’existence des scandales financiers, des affaires et autres privilèges, mais celle du capitalisme qui les engendre. Il y a eu dans le passé des scandales, il y a aujourd’hui des scandales et il y aura dans l’avenir d’autres scandales tant que ce système existe. Le véritable scandale, c’est le capitalisme lui-même.

Mohamed Belaali

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(1)https://www.theguardian.com/business/2012/jul/21/global-elite-tax-offshore-economy

Voir également les données de Tax Justice Network :

http://www.taxjustice.net/cms/upload/pdf/Price_of_Offshore_Revisited_120722.pdf

(2) «Limpérialisme, stade suprême du capitalisme», page 68 . Editions en langues étrangères, Pekin.

(3) http://www.lemonde.fr/panama-papers/article/2016/05/11/panama-papers-le-business-offshore-du-credit-agricole-et-de-la-bnp_4917399_4890278.html

(4) http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/20924.pdf

(5) http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20160412.OBS8308/comment-david-cameron-tente-de-glisser-les-panama-papers-sous-le-tapis.html

(6) http://ccfd-terresolidaire.org/IMG/pdf/ccfd-rapport-g20-2011-net.pdf

(7) https://www.theguardian.com/business/2016/apr/25/delaware-tax-loophole-1209-north-orange-trump-clinton?CMP=fb_gu

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8 mars 2016 2 08 /03 /mars /2016 21:29
Une sale époque

De la répression du mouvement ouvrier à la soumission aveugle aux forces du capital en passant par l'état d'urgence permanent, la France vit une sale époque. De l’État de droit à l’État de police, la France se dirige, consciemment ou non, vers un système autoritaire dans lequel la population n'aura ni liberté ni sécurité. Le Chômage de masse n'est que l'aspect visible d'une situation économique et sociale désastreuse. La misère matérielle et morale, conséquence directe d'une politique économique d'austérité voulue et imposée par la classe dirigeante, touche une large part de la population. La richesse se concentre de plus en plus entre les mains d'une minorité sans foi ni loi. Les classes populaires sont paupérisées, humiliées, méprisées et par-dessus le marché manipulées par une classe inconséquente aveuglée par son arrogance et son despotisme.

Hollande et Valls, serviles serviteurs des puissants et dont la tactique et la stratégie politiques se réduisent à plaire à la bourgeoisie pour se maintenir au pouvoir, appliquent avec un zèle singulier une politique économique entièrement dédiée aux industriels, banquiers, financiers et autres spéculateurs. Des milliards et des milliards d'euros, puisés dans les deniers publics, sont ainsi offerts aux chefs d'entreprises, aux Pigeons(1) et autres Bonnets rouges pour ... créer des emplois ! Mais ces offrandes aux patrons, petits et grands, n'ont nullement empêché le chômage et la précarité de poursuivre leur fulgurante ascension et battre tous les records. Le nombre de chômeurs, toutes catégories confondues, dépasse les six millions (6 110 000 dans la France entière) (2) et celui des précaires, les trois millions (3 182 000 exactement) (3). Une nouvelle forme de précarisation extrême comme l'uberisation de l'emploi ou le contrat zéro heure se développent, hélas, de plus en plus.

Aucune perspective d'amélioration de la situation économique ne se profile à l'horizon. Les bourgeoisies européennes sont déterminées à faire appliquer par leurs gouvernements respectifs des politiques de «rigueur et d'austérité» qui ne font qu'appauvrir l'immense majorité de la population et enrichir une petite minorité d'exploiteurs. De nouveaux plans d'austérité plus durs et plus sauvages encore vont succéder aux anciens, jetant toujours plus d'hommes et de femmes dans le chômage et la précarité. Comme on le voit, les classes dirigeantes n'ont rien d'autre à offrir aux travailleurs que le désarroi et la misère.

En organisant ce gigantesque transfert de richesses du travail vers le capital, les classes dominantes préparent en même temps d'autres crises plus violentes et plus imprévisibles. Alors que les conséquences de la crise de 2007 sont toujours présentes, le spectre d'une nouvelle dépression étend son ombre sur le monde. L'angoisse s'empare à nouveau des banques et des tensions palpables agitent les marchés. Le système financier global est de plus en plus sous pression, comme le souligne le FMI porte-parole du capital : «Les problèmes hérités des turbulences passées amplifient ces tensions, d’où une aggravation des risques pesant sur la stabilité financière» (4). D'autres facteurs comme la chute des prix du pétrole et des matières premières, le ralentissement de la croissance chinoise, le niveau gigantesque de l'endettement, les bulles spéculatives, les licenciements massifs opérés par les grandes multinationales etc. ne font que préparer les conditions d'une nouvelle crise. Même si le capitalisme possède des capacités extraordinaires d'adaptation, il devient de plus en plus un obstacle au développent de la production et un frein au progrès économique, social et politique. L'avenir reste donc sombre, d'autant plus sombre que cette situation attise les tensions géopolitiques et exacerbe les luttes d'intérêt, précipitant le monde dans le chaos et les guerres.

Incapable de combattre le chômage et la misère qui s'installent durablement en France, Hollande bat les tambours de la guerre et mobilise toute la nation derrière lui pour… «lutter contre le terrorisme»! Le guerrier Hollande envoie ainsi l'armée au Mali, en Irak, en Syrie et mène aujourd'hui des opérations militaires plus ou moins secrètes en Libye pour livrer la guerre à un ennemi qu'il a, avec ses prédécesseurs, largement contribué à créer ! La guerre est déclarée non pas contre son adversaire, le despotisme du « monde de la finance» , comme il le disait lui-même (5), mais contre les attentats terroristes. Belle manière pour occulter la faillite de sa politique économique et détourner les masses populaires des vrais combats et des vrais problèmes : chômage de masse, précarité de l'emploi, disparition progressive des acquis sociaux etc. La guerre que la classe dirigeante mène à l'extérieur n'est que le prolongement de celle livrée à l'intérieur contre les salariés en général et les travailleurs en particulier.

Le mépris de Hollande et de Valls pour la classe ouvrière n'a d'égal que leur soumission aux patrons. C'est sous leur règne que des ouvriers sont condamnés à de la prison ferme pour avoir défendu leurs emplois. Hollande et Valls, à travers leurs procureurs, ont décidé de punir les salariés de Goodyear alors même que la direction et les deux cadres séquestrés avaient retiré leur plainte ! Le procès s'est donc déroulé sans plaignant ! Rappelons que les salariés de cette multinationale américaine mènent depuis 2007 des luttes dures et ininterrompues contre les plans de licenciement de Goodyear Tire. Le 31 janvier 2013 la direction annonce la fermeture de l'usine d'Amiens-Nord supprimant du même coup 1143 emplois ! Seulement 120 des «ex-goodyear » ont trouvé un CDI, 12 sont décédés et 3 se sont suicidés (6). Et comme si ce drame ne suffisait pas, le procureur de la République voulait, vaille que vaille, jeter les travailleurs les plus combatifs en prison. Précisons que les procureurs de la République sont des magistrats nommés par décret du président de la République et placés «sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice» (7). Ils sont donc directement dépendants du pouvoir politique c'est-à-dire de Hollande et de Valls. C'est une trahison historique.

Mais la condamnation des « ex-goodyear» n'est que l'arbre qui cache la forêt. Car brutalité patronale et résistance ouvrière vont de pair. Les séquestrations, occupations d'usines, grèves et autres manifestations se succèdent et se développent au rythme des licenciements et des fermetures de sites : capital contre travail, exploiteurs contre exploités, profit contre salaire, violence sociale ouvrière contre violence sociale patronale. Seulement la violence patronale est masquée, invisible, alors que la lutte des salariés, elle, est montrée, médiatisée et de surcroît rendue illégale. Il suffit de se rappeler l'hystérie des médias bourgeois concernant «la chemise déchirée » dans le conflit d'Air France pour s'en convaincre. D'un côté les images de deux cadres avec chemises déchirées qui ont fait le tour du monde, de l'autre un silence assourdissant sur les 2 900 licenciements prévus par la direction d'Air France ; c'est que «la lutte des classe ça déchire» ! (8).

Hollande et Valls ne se contentent pas de criminaliser les luttes ouvrières. Ce sont deux hommes politiques sans principes ni convictions. Leur seule préoccupation est de rester au pouvoir en s'agenouillant devant les puissants tout en méprisant les travailleurs. Ils comptent en ce moment engager «une réforme» qui va bouleverser de fond en comble le code du travail. Ils sont déterminés à détruire un siècle d'avancées sociales arrachées de haute lutte par des générations successives de travailleurs. En vidant le code du travail de sa substance, ils cherchent, au profit du patronat, à venir à bout de l'essentiel des acquis sociaux. Cette nouvelle attaque a pour ultime objectif de réduire le salaire à sa limite la plus basse pour un profit le plus élevé. Elle s'inscrit parfaitement dans cette tendance générale de la production capitaliste contre laquelle les travailleurs doivent s'élever en permanence s'ils ne veulent pas être ravalés au rang d' esclaves.

Cette régression sociale généralisée est grandement facilitée et accentuée par l'instauration de l'état d'urgence voulu par le gouvernement dans le cadre de sa «guerre contre le terrorisme». Car pour que les «réformes» passent, il faut surveiller, ficher et réprimer : «L'instrumentalisation du terrorisme par la classe dirigeante permet de museler et d'étouffer toute opposition, toute critique et toute résistance à sa politique de classe» (10).

L'état d'urgence permet également au président de la République et à son premier ministre de promulguer des lois liberticides accordant d'immenses pouvoirs à l'appareil répressif ouvrant ainsi la porte à toutes les dérives, à tous les dérapages et à tous les abus. Le pouvoir, par exemple, peut désormais ordonner des perquisitions de jour comme de nuit, assigner à résidence les citoyens, de préférence musulmans, sans aucun contrôle judiciaire. Combien d'enfants ont été traumatisés et violentés, de citoyens brutalisés et humiliés pour rien lors des perquisitions ? (11). Les Nations Unies, le Conseil de l'Europe et les organisations de défense des droits de l'homme (12) ont tous condamné ces dérives.

Ce régime d'exception risque, comme l'expérience nous l'enseigne, de devenir la règle, de se banaliser avec toutes les conséquences sur les libertés individuelles et collectives. L'état d'urgence a déjà été prolongé deux fois et le gouvernement tente d'entretenir un climat de peur pour légitimer le maintien, sous une forme ou sous une autre, de cet état d'urgence :«Il ne faut aujourd’hui rien exclure et je le dis avec toutes les précautions qui s’imposent, mais nous le savons et nous l’avons à l’esprit, il peut y avoir aussi le risque d’armes chimiques et bactériologiques» disait Manuel Valls (13). La France glisse ainsi lentement vers un régime où la police et l'appareil répressif en général auront des pouvoirs exorbitants. Le citoyen sera enserré par un État omniprésent et omnipotent qui, comme les tentacules d’une pieuvre géante, l’étouffe.

Malgré cette triste période toute peinte de noir, le combat se poursuit. Car il est le produit des injustices, du despotisme et de l'arrogance des puissants. Malgré les défaites, les humiliations, les souffrances, les luttes se renouvellent en permanence. C'est un éternel recommencement et comme disait Max-pol Fouchet :«Les barricades s'écroulent, mais pour se relever, pour renaître, comme les vagues de la mer». Hollande et Valls ne sont que des marionnettes entre les mains d'une classe sociale qui a fait son temps mais qui possède encore tous les pouvoirs. De crise en crise, son système de production prépare les conditions matérielles d'une transformation radicale de la société. Les travailleurs, producteurs de richesses, doivent unir leurs forces pour hâter sa disparition et pour leur émancipation définitive.

Mohamed Belaali

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  1. Mouvement des patrons de PME qui contestaient notamment l'augmentation des cotisations et des taxes sur les plus-values en cas de revente d'entreprises. Le gouvernement a cédé rapidement à leur revendications.

(2) http://www.pole-emploi.org/statistiques-analyses/le-chomage-a-fin-septembre-2015-@/524/view-article-123355.html

(3) http://www.inegalites.fr/spip.php?article957

(4) http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/gfsr/2015/01/pdf/execsumf.pdf

(5) «Mais avant d’évoquer mon projet, je vais vous confier une chose. Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies. Désormais, il est possible en une fraction de seconde de déplacer des sommes d’argent vertigineuses, de menacer des Etats ».

http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/election-presidentielle-2012/sources-brutes/20120122.OBS9488/l-integralite-du-discours-de-francois-hollande-au-bourget.html

(6) http://www.humanite.fr/goodyear-le-vrai-bilan-dune-fermeture-1-143-licencies-12-deces-dont-3-suicides-596638

(7) Article 5 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000339259

(8) http://www.liberation.fr/futurs/2015/10/22/air-france-une-manif-je-suis-chemise-devant-l-assemblee-nationale_1408114

(9) http://www.belaali.com/article-brutalite-patronale-et-resistance-ouvriere-49555591.html

(10) http://www.belaali.com/2016/01/13-novembre-2015-guerre-des-terrorismes.html

(11) https://wiki.laquadrature.net/%C3%89tat_urgence/Recensement

Voir également le rapport d' Amnesty International sur l'impact de l'état d'urgence

http://www.amnesty.fr/etat-urgence

(12) http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=16961&LangID=F

Voir également la charge du Défenseurs des droits :

https://www.mediapart.fr/journal/france/260216/la-charge-du-defenseur-des-droits-contre- letat-durgence

(13) https://www.youtube.com/watch?v=4zuwpP8FKf8

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23 janvier 2016 6 23 /01 /janvier /2016 21:20
Cologne : Viols, racisme, xénophobie et islamophobie

Il est étrange de constater combien les événements qui se sont déroulés à Cologne la nuit de la Saint Sylvestre ont fait de bruit. En France par exemple, les viols ou tentatives de viols (considérés comme des crimes dans le droit français) exercés sur les femmes se font au rythme de 230 par jour (1) ! Mais ces crimes sont souvent passés sous silence par les médias bourgeois et les intellectuels de l'ordre établi. Pire, non seulement les femmes sont violées chaque jour, mais elles sont aussi humiliées, stigmatisées et moquées («elles l'ont évidemment bien cherché») sans que cela ne déchaîne l'hystérie médiatique et politique actuelle.

Les viols des femmes par des personnalités célèbres comme Dominique Strauss-Khan ou Roman Polanski entre autres, ne sont que l'arbre qui cache la forêt. D'ailleurs ces hommes ne sont pas considérés comme des violeurs. Dominique Strauss-Khan par exemple est présenté tout bonnement comme «L’homme qui aime les femmes sans modération» (2). Ce genre de crime n'est que rarement condamné par les tribunaux et encore moins dénoncé par les médias. Silence assourdissant par contre sur tous les autres viols ! Les images des femmes violées sont rares. Elles doivent rester invisibles. 90 % des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police (3).

Pourquoi alors tant d'indignation sur les viols de la Saint-Sylvestre ? En quoi ces viols commis à Cologne et ailleurs en Europe sont-ils différents des autres crimes. Un viol est un viol, qu'il soit commis par un noir ou un blanc, un musulman ou un chrétien, au Caire sur la place Tahrir ou près de la gare centrale de Cologne, ne change rien à la nature du crime. Pourquoi cette dénonciation à géométrie variable ? En fait, derrière ces condamnations hypocrites se cachent des raisons et des mobiles détestables. Les agresseurs de Cologne, alors que les enquêtes ne sont pas encore terminées et les zones d'ombre nombreuses, sont présentés d'abord comme des arabes, des immigrés, des réfugiés, des musulmans voire des terroristes et non comme des violeurs qui doivent, si les faits sont avérés, être traduit devant la justice et condamnés pour leur crime. L'accent mis par les médias sur l'origine ethnique des agresseurs montre bien que ce n'est pas la dignité des femmes que l'on cherche à défendre mais plutôt à montrer du doigt le réfugié qui est en même temps immigré, musulman et pourquoi pas terroriste alimentant ainsi les préjugés les plus répugnants. Il est violeur parce qu'il est réfugié !

Le réfugié est un violeur congénital, un violeur-né. Le colonisateur français disait la même chose du Nord-Africain en général et de l'algérien en particulier : «le Nord-Africain est un violent, héréditairement violent. Oui, l'algérien est un impulsif congénital. Cette impulsivité est fortement agressive et généralement homicide» (4). Les médias bourgeois et certaines féministes convenaient de façon unanime que la violence sexuelle du réfugié pose un véritable problème à la société et à la civilisation européenne. Barbara Sichtermann, écrivaine et journaliste allemande considère les agressions sexuelles de Cologne comme «une déclaration de guerre contre notre civilisation» (5). D'autres se sentent même menacées par ces hordes de violeurs musulmans qui mettent en danger l'heureuse spécificité des femmes françaises : «Et bien entendu, quand cette culture religieuse/patriarcale/identitaire/anti-femmes prétend s’exercer chez nous, en France, nous devons être vent debout à défendre notre heureuse spécificité» (5). Les forces les plus rétrogrades et les plus obscures tiennent à peu près le même discours (6). L'hebdomadaire islamophobe et raciste Charlie Hebdo est tombé très bas avec sa caricature «Migrants» présentant le petit Aylan s'il n'était pas mort noyé sur une plage turque de violeur en devenir: « Que serait devenu le petit Aylan s’il avait grandi ? Tripoteur de fesses en Allemagne».

Il faut inculquer à ces sauvages de violeurs la spécificité et la grandeur des valeurs occidentales c'est à dire bourgeoises. Cette « heureuse spécificité » n'inclut évidemment pas la violence des destructions militaires par ce même occident des sociétés afghane, irakienne, libyenne etc. dont les réfugiés et leur drame ne constituent qu'une infime conséquence (7).

En période de crise économique, la classe dominante cherche toujours des boucs émissaires. Hier c'était le juif, aujourd'hui c'est le réfugié, l'immigré, le musulman, le Rom etc. Le racisme, la xénophobie, l'islamophobie sont instrumentalisés par la classe dominante pour maintenir, vaille que vaille, l'accumulation et la concentration des richesses entre les mêmes mains et pour mieux détourner les masses populaires des vrais combats et des vrais problèmes : chômage de masse, , suppression progressive des acquis sociaux, précarisation de l'emploi, criminalisation des luttes syndicales etc. etc.(8). La défense des droits des femmes et la lutte contre le terrorisme relèvent de la même démarche.

Le viol des femmes ici et ailleurs n'est pas la conséquence d'une impulsivité des réfugiés ou d'une quelconque originalité caractérielle, mais le produit direct des rapports sociaux marqués profondément par la domination économique, politique et idéologique masculine. L'émancipation des femmes passe nécessairement par la remise en cause de l'ensemble des rapports sociaux.

Mohamed Belaali

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(1) http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/violences-de-genre/reperes-statistiques-79/

(2) http://www.acrimed.org/Le-viol-dans-les-medias-un-fait-divers

(3) http://www.crepegeorgette.com/2016/01/12/violence-sexuelles-instrumentalisation-raciste/

(4) Frantz Fanon, «Les damnés de la terre», petite collection maspero, page 219.

(5) https://www.mediapart.fr/journal/international/210116/apres-cologne-les-feministes-se- divisent-sur-l-interpretation-des-agressions?page_article=1

(6) http://www.fn27.fr/index.php/2016/01/14/tribune-de-marine-le-pen-dans-le-journal-lopinion-un-referendum-pour-sortir-de-la-crise-migratoire/

(7) http://www.belaali.com/2015/10/les-interventions-militaires-imperialistes-et-le-drame-des-refugies.html

(8) http://www.belaali.com/article-le-visage-hideux-de-la-bourgeoisie-en-temps-de-crise-64266132.html

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1 janvier 2016 5 01 /01 /janvier /2016 19:38
 13 novembre 2015 ou la guerre des terrorismes

Le terrorisme vient de frapper la France, une fois encore, laissant derrière lui des dizaines de morts, des centaines de blessés et des familles le cœur brisé par la douleur. Les terroristes ont accompli méthodiquement et froidement leur travail. Leur mépris et leur négation de la vie sont sans limites. Leur détermination à tuer le maximum de personnes innocentes est totale. Ils sont à l'image de ceux qui les ont créés, endoctrinés, fanatisés, financés, armés et finalement déshumanisés. Le terrorisme et les terroristes ne tombent pas du ciel. Ils sont, en dernière analyse, le produit des intérêts et des calculs économiques, stratégiques et idéologiques des classes dominantes occidentales et leurs alliés locaux.

Poussée par le profit, cet impératif vital pour elle, la bourgeoisie a envahi et colonisé le monde entier. Toutes entraves à la réalisation de cet objectif impérieux constituent autant de chaînes qu'il faut briser.Toutes les nations qui se dressent contre elle sont impitoyablement écrasées. La démocratie, lorsqu'elle ne sert pas ses intérêts, le Droit notamment celui des peuples à disposer d'eux-mêmes, le progrès etc. ne sont pour elle que des obstacles qu'il faut éliminer. La bourgeoisie a détruit des pays et des sociétés entières lorsqu'ils résistent à son exploitation et à sa domination. Elle n'hésite pas à renverser des gouvernements démocratiquement élus, à s'allier avec les dictateurs les plus féroces et les régimes les plus rétrogrades pour asseoir son pouvoir et étendre son hégémonie. La bourgeoisie a infligé à toute l'humanité deux terribles guerres et largué des bombes atomiques sur des populations civiles innocentes pour les terroriser et pour mieux les dominer. Elle possède partout des bases militaires pour être près des sources d'énergie et des matières premières qui lui sont nécessaires. Elle a étouffé et brisé les soulèvements populaires dans le monde arabe avec l'aide de ses alliés régionaux pour perpétuer le pouvoir des régimes d'un autre âge et éviter qu'une force progressiste prenne la direction et oriente la lutte vers le progrès et la démocratie.

Elle a dressé contre les régimes nationalistes, laïcs et progressistes, les fanatiques religieux les plus obtus et les terroristes les plus barbares ouvrant ainsi la boîte de Pandore libérant des monstres qui répandent la mort et la désolation un peu partout dans le monde. En un mot, la bourgeoisie ne recule devant aucun moyen pour assouvir sa soif inextinguible du profit. Son histoire est une longue suite de guerres, de violence et de massacres.

La bourgeoisie porte en elle les germes de la terreur. Le terrorisme fait partie de son ADN. Derrière chaque acte terroriste, on retrouve ses traces directement ou indirectement. Talibans, Moudjahidins de la liberté, Al Qaeda, Daech, Al Nosra, rebelles libyens, rebelles syriens... portent sa marque. Ces organisations terroristes sont ses propres créatures. Elle les a enfantées avec l'aide de ses alliés comme le Pakistan, l'Arabie Saoudite, le Qatar ou encore la Turquie. La bourgeoisie occidentale est la mère de tous les terrorismes.

Ainsi le dictateur pakistanais Zia après avoir renversé (juillet 1977) le gouvernement démocratiquement élu d'Ali Bhutto, grâce au soutien de Washington, a instrumentalisé l'Islam pour étouffer toute opposition laïque et progressiste et surtout pour combattre le gouvernement communiste installé à Kaboul et ses alliés soviétiques. La bourgeoisie américaine ne pouvait supporter qu'un pays aussi stratégique que l'Afghanistan sorte de son influence. Des écoles religieuses contrôlées par les services de renseignements, les fameux Inter-Services Intelligence (ISI) fleurissaient un peu partout au Pakistan. De ces centres d'endoctrinement naquirent les premiers Talibans (étudiants) fanatisés et prêts à livrer le djihad, la «guerre sainte», aux communistes afghans et leurs protecteurs soviétiques. Et c'est à Ben Laden, dépêché par l'Arabie Saoudite à la demande du gouvernement pakistanais, que revient l'honneur de superviser cette guerre contre les mécréants. Pour leurs intérêts économiques et stratégiques, la bourgeoisie américaine, le général dictateur Zia et les émirs d'Arabie ont donné naissance à une organisation qui continue à semer aujourd'hui encore la terreur aux quatre coins du monde, Al Qaeda.

Le 20 mars 2003, l'armée américaine et ses alliés notamment britanniques ont franchi les frontières irakiennes au mépris de toutes les protestations, manifestations, lois et conventions internationales. C'est le début pour le peuple irakien d'un long, très long cauchemar qui, hélas, perdure encore. Les morts se comptent par centaines de milliers. Les blessés, les estropiés, les veuves, les orphelins et les réfugiés, leur nombre se chiffre par millions. Le régime laïque de Saddam est vaincu par cette opération militaire appelée d'ailleurs par l'occupant «shock & awe» (choc et terreur). La population doit subir le diktat des vainqueurs. La terreur exercée directement ou indirectement sur la population civile par l'armée américaine règne dans les villes irakiennes. Arrestations arbitraires, exécutions sommaires, humiliations, tortures... la liste des exactions de l'occupant est longue. L'unité nationale et territoriale de l'Irak ainsi que sa souveraineté ne sont désormais que de lointains souvenirs. La société irakienne est détruite.

C'est dans ce cadre d'extrême violence que sont nées la plupart des organisations djihadistes. Profitant du chaos qui règne dans ce pays martyr, Abou Moussaab Al-Zarkaoui, chef de la Jamaat Al-Tawhid Wal-Djihad (JTD), décide de transférer son groupe de la Jordanie à l'Irak avec la bénédiction de Ben Laden. Ce groupe qui s'est distingué par sa brutalité et sa cruauté, à l'image de l'armée américaine, est devenu après la mort de son chef en 2006, l’État Islamique en Irak (EII) dirigé à partir de 2010 par Abou Bakr Al-Baghdadi. La guerre en Syrie a permis au groupe djihadiste d'étendre son pouvoir sur les deux pays. En 2013 L'EII devient, après un échec de fusion avec l'autre groupe djihadiste Al-Nosra (filiale syrienne de la maison mère Al Qaeda), l'État Islamique en Irak et au Levant (EIIL ou en arabe Daech)

Après l'invasion militaire de l'Irak et ses tragiques conséquences, les bourgeoisies américaines et européennes ont profité des soulèvements populaires dans le monde arabe pour détruire la Libye et son régime. Nicolas Sarkozy et David Cameron se sont rendus le 15 septembre 2011 dans la ville de Benghazi pour célébrer cette destruction de la société libyenne.

Aujourd'hui, la Libye est un bastion et un sanctuaire d'innombrables organisations extrémistes et terroristes. La terreur et le chaos qui règnent dans ce pays sont, comme en Irak, la conséquence directe de cette violence extrême qu'est la guerre menée par L'OTAN et les milices extrémistes et réactionnaires appelées à l'époque (2011) les «rebelles libyens». L’État islamique est de plus en plus présent dans ce pays et contrôle déjà la ville de Syrte et sa région. Il est également implanté dans la ville de Benghazi et de Derna. Les bourgeoisies américaine et européenne qui ont permis aux organisations djihadistes d'entrer triomphalement à Tripoli et de s'emparer du pouvoir, feignent aujourd'hui de redouter l'arrivée en force de Daech à qui la plupart des milices extrémistes ont fait allégeance. Cette posture leur permet d'envisager un éventuel retour sur le sol libyen.

Les Balkans, en plein cœur de l'Europe, sont à leur tour touchés par le développement du fanatisme religieux et par le wahhabisme saoudien. Des vagues entières de jeunes bosniaques et kosovars quittent leur pays pour rejoindre l’État islamique en Syrie. Des ONG des monarchies du Golfe, très présentes dans les Balkans, font du prosélytisme sous couvert d'activités humanitaires. Des mosquées sont construites avec les pétrodollars et des imams formés en Arabie Saoudite prêchent les enseignements violents et ultra-dogmatiques de Mohammad Ibn Abdel Wahhâb (1703-1792) sources du wahhabisme. Cette nouvelle situation est le produit de l'assaut sauvage de l'OTAN sur la Yougoslavie et son unité depuis 1991 et surtout en 1999 qui a vu l'occupation du Kosovo par cette organisation militaire, bras armé des bourgeoisies occidentales. Le vide et la misères morale et matérielle laissés par ces guerres impérialistes ont permis à des prêcheurs sans scrupules de répandre la parole de haine et de violence tout en incitant les jeunes désœuvrés à rejoindre les rangs des organisations extrémistes se réclamant de l'Islam pour mener la guerre sainte.

Le terrorisme est une véritable aubaine pour la bourgeoisie. Il lui sert de justification stratégique et de prétexte pour d'éventuelles interventions dans les pays qui lui sont réfractaires ou difficilement contrôlables. L'Afghanistan et l’Irak sont les premières victimes de cette «lutte contre le terrorisme» devenue l'axe central de la politique étrangère américaine. L'implantation de Daech en Libye ouvre à la bourgeoisie occidentale de nouvelles perspectives d'intervention militaire sur le territoire libyen. «Nous avons un ennemi, Daech, l’Etat islamique, que nous devons combattre et écraser, en Syrie, en Irak et demain sans doute en Libye» disait Manuel Valls sur les ondes de France Inter. L'armée française effectue déjà des vols de reconnaissance au-dessus de la Libye préparant «sans doute» une nouvelle campagne de bombardement.

Le terrorisme permet également à la classe dominante de promulguer des lois liberticides qui donnent d'immenses pouvoirs à l'appareil répressif. C'est la bourgeoisie américaine, profitant des attentats du 11 septembre 2001, qui est derrière le «USA Patriot Act». Ce texte lui confère, entre autres, la possibilité de détenir sans limites et sans cadre juridique toute personne soupçonnée de terrorisme. Même la torture et la cruauté sont permises. Guantánamo est toujours là et la moitié de ses prisonniers à combinaison orange restera indéfiniment renfermée dans cet enfer sur terre. Mais au-delà de ces «combattants ennemis», le simple citoyen, dans cette guerre contre le terrorisme, se confond presque avec le terroriste. Il faut surveiller tout le monde. L'emprise de l’État sur la société tend à se généraliser et les pouvoirs de police à se renforcer. En France, avec l’état d'urgence, l’État de droit est devenu provisoirement un État de police. Cette exception risque, comme l'expérience nous l'enseigne, de devenir la règle avec toutes les conséquences sur les libertés individuelles et collectives.

L'instrumentalisation du terrorisme par la classe dirigeante permet aussi de museler et d'étouffer toute opposition, toute critique et toute résistance à sa politique de classe. La rhétorique guerrière contre le terrorisme, chère à Bush et à Hollande, n'a pour but que de mobiliser la population derrière la bourgeoisie. La lutte des classes doit s'effacer pour laisser place à l'unité nationale, à la collaboration de classes. Qui osera briser cette belle unanimité pour la sécurité et la guerre contre le terrorisme ? Le Gouvernement, cette commission qui gère les intérêts de la bourgeoisie, peut dans ces conditions faire passer toutes les lois économiques, sociales et sécuritaires sans trop de difficultés. Dans le cas de la France, «Le pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité» disait Hollande lui-même. La politique d'austérité s'arrête là où commencent les dépenses pour renforcer l'appareil répressif (police, renseignements, armée etc.).

Les grèves et les rassemblements sont tolérés lorsqu'ils ne sont pas interdits. Par contre, les manifestations commerciales et sportives, elles, sont autorisées voire encouragées. Les perquisitions et assignations à résidence des opposants se multiplient dans l'indifférence quasi générale. Les médias et les instituts de sondages sont eux aussi enrôlés dans ce combat interminable contre le terrorisme.

Le climat de peur créé par les attentats et amplifié par la classe dirigeante est utilisé pour contrôler toute la société et surtout pour paralyser les luttes sociales.

L'omniprésence du discours patriotique permet à la bourgeoisie en crise de désigner des boucs émissaires. L'amalgame entre l'Islam et le terrorisme, l'islamophobie, le racisme sont utilisés par la classe dominante pour mieux occulter sa responsabilité dans la situation économique et sociale désastreuse que connaît la France aujourd'hui et détourner ainsi les masses populaires des vrais problèmes qui les rongent au quotidien. Les musulmans sont ainsi stigmatisés, agressés et criminalisés. Aux États-Unis, certains candidats à l'investiture républicaine dont le milliardaire Donald Trump distillent comme un poison leur haine du musulman et de l'immigré. Les réfugiés, premières victimes des guerres impérialistes, sont eux aussi montrés du doigt. La bourgeoisie française et européenne en général utilisent les attentats perpétrés par des kamikazes de l'EI, tous de nationalité française ou belge, pour fermer les portes de l'Europe aux demandeurs d'asile.

Profitant des tueries du 13 novembre, Hollande et Valls, serviles serviteurs de la bourgeoisie, introduisent dans la constitution de la République la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français condamnés pour terrorisme, créant ipso facto deux catégories de citoyens : ceux qui peuvent commettre des actes terroristes tout en restant français et ceux, pour les mêmes faits, qui seront déchus de leur nationalité. Rappelons pour mémoire que même le gouvernement de Vichy (1940-1944) n'avait osé aller aussi loin puisqu'il a retiré la nationalité française aux juifs naturalisés et non nés français. Ce retour, sur ce point, au régime collaborationniste de Vichy par la social-démocratie est lourd de conséquences pour l'ensemble des classes populaires. Précisons que cette mesure nauséabonde n'a strictement aucun effet sur les terroristes. Mais elle montre clairement que la lutte contre le terrorisme n'est qu'un prétexte permettant à la bourgeoisie de diviser les citoyens pour mieux les dominer.

Comme on le voit, la bourgeoisie entretient des rapports complexes avec sa propre créature.Tantôt elle ressemble à ces magiciens qui ne maîtrisent plus les forces maléfiques qu'ils ont créées, tantôt elle instrumentalise les monstres qu'elle a enfantés pour servir ses intérêts économiques et stratégiques. Mais dans tous les cas, la terreur et le terrorisme ne sont que des armes de guerre parmi tant d'autres qu'elle utilise pour, en dernière analyse, maintenir la concentration des richesses entre ses propres mains. Elle n'hésite pas à utiliser les moyens les plus abjectes et les plus barbares pour perpétuer son hégémonie précipitant ainsi le monde vers le précipice. La bourgeoisie a joué un rôle éminemment révolutionnaire dans l'histoire. Mais aujourd'hui elle n'arrive plus à surmonter les crises à répétition de son système, le capitalisme. Elle n'avance qu'à travers les guerres et les destructions. Son organisation politique peut passer facilement de l’État de droit à l’État de police. Elle n'a ni valeurs ni éthique qui durent dans le temps. En période de crise, elle produit et propage des «valeurs» de haine, de xénophobie, d'islamophobie, de racisme pour mieux occulter ses responsabilités dans la situation de chaos que connaît le monde aujourd'hui. Du moteur du progrès et de l'émancipation, la bourgeoisie est devenue un frein. Seul le renversement de tout l'ordre social bourgeois mettra un terme à cette marche vers la barbarie.

Mohamed Belaali

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